Qui sont les sikhs ?

Question posée par Nadia Miloudi, Marseille, France

Publié le 22 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

La nomination, le 19 mai, de Manmohan Singh au poste de Premier ministre de l’Inde constitue un belle satisfaction pour la communauté sikh. C’est la première fois que cette fonction revient à un membre d’une minorité moins de 2 % du milliard d’habitants que compte le pays au ban de la nation il y a peu encore.
Ce sont en effet deux gardes du corps d’origine sikh qui, le 31 octobre 1984, avaient assassiné le Premier ministre Indira Gandhi. Ils entendaient venger ainsi leur communauté après le drame du 6 juin 1984. Ce jour-là, l’armée était intervenue pour prendre d’assaut le Temple d’or d’Amritsar occupé par des indépendantistes extrémistes. L’opération s’était soldée par un bain de sang terrible : 900 morts parmi les sikhs, 90 du côté de l’armée indienne.
Le fait que ce soit Sonia, la propre belle-fille d’Indira Gandhi, qui, après avoir conduit le Parti du Congrès à la victoire aux législatives de mai, permette à un sikh de diriger l’Inde fournit par ailleurs une nouvelle preuve de la vitalité de la démocratie
dans cet immense pays.
Avec leur turban soigneusement noué, leurs cheveux et leur barbe contenus par une résille, leur pantalon serré au mollet, les sikhs ne laissent pas d’intriguer. Forment-ils une secte, une ethnie ? Sont-ils des musulmans dissidents ou, plutôt, une branche de l’hindouisme ?
Le sikhisme, en réalité, est une religion originale, qui a emprunté à la fois à l’islam et à l’hindouisme. Elle a été fondée vers 1520 par un guru (« un maître spirituel ») hindouiste nommé Nanak (1469-1539), originaire des environs de Lahore, dans l’actuel Pakistan. La région, le Penjab, était alors sous l’emprise des Moghols, une dynastie
musulmane à laquelle on doit, entre autres, le célèbre mausolée du Taj Mahal. Les enseignements de Nanak ont été regroupés dans les textes du Guru Granth, livre sacré du sikhisme conservé dans le fameux Temple d’Amritsar.
La religion des sikhs est un monothéisme rigoureux. Elle rejette toute représentation de Dieu. Ses adeptes partagent avec les hindous la croyance en la transmigration des âmes (samsara). Mais, pour eux, en menant une existence tournée vers Dieu, les humains peuvent échapper au cycle des réincarnations.
Les croyants se voient imposer de sévères contraintes. Tabac et alcool sont interdits. Après leur initiation religieuse, tous les hommes sont tenus de porter les 5 K, signes de leur appartenance à la communauté : la barbe et les cheveux longs (kes) ; un peigne qui retient la chevelure (kanga) ; un pantalon court (kacha) ; un bracelet d’acier (kara) ; un
poignard (kirpan).
Au fil des siècles et de leurs relations tumultueuses avec les empereurs moghols, les sikhs furent amenés à se doter d’une puissance militaire redoutable. Ainsi réussirent-ils à constituer le Penjab en un royaume, le Khalistan, à la fin du XVIIIe siècle. Celui-ci sera finalement occupé par les Anglais, en 1849, et intégré à l’Empire britannique des Indes.
En 1947, lors de la partition, le Penjab fut scindé en deux, un morceau rejoignant le Pakistan musulman, tandis que la majeure partie du territoire restait indienne. En 1966, le Penjab indien ayant été amputé de zones à forte majorité hindoue, qui formèrent
l’Haryana, les sikhs se retrouvèrent alors majoritaires (60 % de la population). Le sentiment identitaire des sikhs demeure très fort. Il alimente un puissant courant indépendantiste, qui a culminé au début des années 1980 avec l’épisode de l’attaque du Temple d’or.
L’Inde compte aujourd’hui près de 18 millions de sikhs. 60 % sont établis dans l’État du Penjab. Près de 2 millions de fidèles vivent ailleurs dans le monde, principalement au Royaume-Uni (500 000 personnes) et dans les pays d’émigration indienne : Afrique du Sud, Maurice, Malaisie, Singapour, Surinam.
Ils ne semblent guère faire de prosélytisme. Leur religion, pourtant, est très séduisante. Rejetant le système des castes, elle prône la fraternité entre tous les hommes. Chez eux, tous les individus de sexe masculin portent le nom de singh le lion ») tandis que les femmes sont appelées gaur (« princesse »). L’égalité des sexes est la règle. La charité est une valeur essentielle. Ainsi des repas communautaires (les langer) sont-ils organisés pour les nécessiteux. Les sikhs, enfin, sont très respectueux
des autres religions. Pour eux, quelles que soient leurs croyances, c’est la conduite morale des individus et leur foi en Dieu qui leur permet d’espérer le salut de leur âme.

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