[Tribune] Tunisie : le citoyen, priorité des priorités du futur gouvernement

Dans la dynamique du sentiment d’enthousiasme après l’élection du nouveau chef de l’État, la nation doit être embarquée dans un projet commun dans lequel le citoyen doit se sentir au cœur de l’action publique. Le risque d’aller vers l’échec aujourd’hui ne viendra que par une mauvaise gouvernance.

Le président tunisien nouvellement élu, Kais Saied, s’exprimera lors de la cérémonie d’investiture, à Tunis, le mercredi 23 octobre 2019. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Le président tunisien nouvellement élu, Kais Saied, s’exprimera lors de la cérémonie d’investiture, à Tunis, le mercredi 23 octobre 2019. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Kaïs Mabrouk. © DR
  • Kaïs Mabrouk

    Professeur franco-tunisien de télécommunication dans plusieurs établissements universitaires en France, Tunisie et Russie, également Deputy CEO de Bouebdelli Education Group.

Publié le 8 novembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Le nouveau chef de l’État Kaïs Saïed sonne le début de son mandat en recevant les têtes des partis sous le feu des projecteurs en entretiens « one-to-one ». Une pierre deux coups. Le premier est d’ordre communicationnel, dans la mesure où il montre à ses électeurs qu’il est déjà dans l’action. Le second est symbolique, ancré dans nos coutumes. Chaque parti savait donc, consciemment ou inconsciemment, qu’en ayant franchi les portes de Carthage, il pratiquait tacitement la génuflexion au nouveau régent du palais. Tant mieux, pourvu qu’ils puissent trouver rapidement un accord pour surfer sur le positivisme ambiant et réussir leur casting dans la quête du futur chef du gouvernement.

Enthousiasme ambiant

Nous nous accordons tous sur le fait que l’enthousiasme ambiant de notre nation à l’issue des résultats électoraux est unique. Il pourrait être un capital inestimable dont pourrait jouir le futur chef du gouvernement afin de surmonter les défis qui l’attendent. Effectivement, on revoit une jeunesse spontanément réengagée dans le bien commun et l’intérêt général, ce qu’elle avait perdu depuis huit ans. Un air de lendemain de la révolution.

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Dans la dynamique de ce sentiment, la nation doit être embarquée dans un projet commun dans lequel le gouvernement, l’État et le citoyen ne font qu’un. Pour cela, le citoyen doit se sentir dans les faits et dans l’apparence au cœur de l’action publique. Et il devrait très vite ressentir l’impact dans son quotidien. Ainsi, la politique principale que doit adopter le futur gouvernement devrait être la doctrine du citoyen au cœur de toutes ses stratégies. Dans le cas contraire, ce futur gouvernement se verrait très rapidement déposséder de l’enthousiasme ambiant et pourrait voir revenir les grèves interminables, les mouvements sociaux et, pire encore, le désengagement du citoyen aussi bien dans le secteur public que privé.

Problèmes chroniques

D’une manière simpliste et simplifiée, cette stratégie devrait permettre au Tunisien de vivre pleinement sa citoyenneté. Du nord au sud du pays, il doit trouver toutes les nécessités et services de base (qui ont été grandement affaiblis) entre emploi, eau, électricité, produits alimentaires, moyens de transport pour aller à l’école ou au travail. Il faut qu’il s’assure que ses enfants aillent à l’école et qu’ils puissent rentrer le soir chez eux en toute sécurité. Il faut que ce citoyen se sente un acteur au sein de sa cité, sa région, son pays mais surtout dans le monde. Si le gouvernement arrive à embrasser ces principes à son plus haut niveau, il pourrait mettre en place la meilleure des politiques.

Il ne faudrait par ailleurs pas perdre de vue le fait qu’il y ait des problèmes chroniques depuis la révolution qui n’ont pas étés élucidés. En l’occurrence le chômage, la corruption, la sécurité, la balance commerciale, la santé publique, la salubrité de nos établissements publics et de nos rues, la fuite des cerveaux, l’immigration dangereuse pour nos jeunes concitoyens qui périssent inutilement.

Priorités plurielles

Dans l’ensemble, les priorités du gouvernement sont plurielles mais, bien évidemment, le gouvernement est loin d’être omnipotent. Il va falloir fixer des priorités qui doivent prendre en compte les résultats attendus sur le très court, moyen et long terme. C’est sincèrement jouable.

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Le risque d’aller vers l’échec aujourd’hui ne viendra que par une mauvaise gouvernance. En particulier celle de ne pas parvenir à dessiner les visions économique, stratégique et sociétale. Depuis l’indépendance, le plus haut sommet de notre État a toujours navigué à vue, sans aucun plan stratégique, sans réel gouvernail. Conséquence ? Nos politiciens sont allés là où le vent les a menés.

Ce futur chef du gouvernement, appuyé par ses ministres, devrait donc montrer le cap et tenir bon quels que soient les pirates ou les tempêtes sur le chemin du salut national. Pour revenir à ce que j’ai précédemment cité, il nous faut construire un plan quinquennal avec une granularité d’actions quasi-quotidiennes, où le citoyen est au cœur de ses livrables.

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Le futur chef du gouvernement pourrait être chanceux s’il parvenait à guider la dynamique ambiante. En l’espace de huit ans seulement et après un désenchantement crucifiant, nous nous retrouvons à la veille d’un éveil collectif. C’est un phénomène qui, une fois qu’il se manifeste, pourrait devenir centenaire, voire millénaire. En dépit d’une caste qui pensait pouvoir court-circuiter les aspirations de 2011, ces espoirs sont ressuscités. Le chef de l’État parviendra-t-il à y répondre ?

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