La France en panne

Publié le 21 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

Inutile de demander la France. Elle est aux préposés absents. Pour cause de ponts érigés en viaducs, de RTT compensant les efforts pas toujours accomplis, de systèmes D élevés à l’impuissance 4, de jours fériés désormais optionnels, de séminaires et de symposiums, de commémorations de victoires de plus en plus lointaines, de vacances d’hiver et d’été ainsi que de congés intersaisons.
Résultat : quand on téléphone à l’un de ceux qu’on n’ose plus appeler des responsables, il est plus souvent au bout du monde qu’au bout du fil. Et sa fidèle secrétaire doit l’accompagner puisqu’elle est remplacée par un répondeur. Lorsque le manitou revient enfin de son long voyage d’études, toujours programmé dans les pays chauds, un refroidissement parisien l’expédie au lit dès qu’il est descendu d’avion. Las ! Il ne sera pas guéri assez rapidement pour avoir le temps de retourner au bureau avant de repartir, au choix, 1) pour un congé parental, 2) pour une croisière de publicitaires, 3) pour un enterrement familial, 4) pour récupérer les jours de repos qu’il n’a pu prendre en raison d’un « arrêt maladie », 5) pour un safari chez les Jivaros avec un chasseur de têtes, 6) pour une excursion à Las Vegas avec de gros clients, 7) pour l’inauguration de la succursale de Dubrovnik, 8) pour le Festival des Vieilles Charrues où il croyait retrouver José Bové, 9) pour Roland-Garros afin d’offrir des crudités aux médias.

Dieu merci, Vivaldi est là, lui, dont on a, avec humour, choisi les Quatre Saisons afin de meubler les tympans impatients tandis que la standardiste feint de chercher le défaillant à travers l’entreprise en supposant qu’il doit être 1) dans l’ascenseur social s’il est monté jusqu’à l’étage de la direction, 2) dans l’escalier s’il est sportif, 3) au vin d’honneur s’il y a un départ à la retraite, 4) à la cantine s’il est midi, 5) à la visite médicale s’il a un coup de fatigue, 6) à l’assemblée générale si la CGT mène la danse, 7) au comité d’entreprise si l’on débat du budget du prochain arbre de Noël, 8) en formation permanente de dialecte gudjurati, 9) en réunion si on ne l’a pas vu la veille, 10) en colloque si on n’espère pas le voir le lendemain.

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Par gentillesse, prudence, hypocrisie, personne n’emploiera les deux formules vraiment adaptées. À savoir : « Il n’est pas encore arrivé » et « Il est déjà parti ». Tous les motifs sont bons pour prendre la tangente du cercle laborieux puisque aucun ne souffre plus de discussion : courages minuscules, petites santés, panne de transports, mentaux fragiles, plomberie sinistrée. Sans oublier les mécontentements sectoriels au nom desquels font la grève même ceux qui ceux qui se sont depuis longtemps organisés pour croiser les bras. Trop d’égrotants compromettent notre convalescence économique. Alors que s’il y avait autant d’accros du boulot que de fumeurs de joints, on traverserait plus rapidement le tunnel au bout duquel brille la croissance. Mais non. En dehors de votre serviteur qui a fait violence à sa paresse pour écrire ces lignes et de vous, cher lecteur, qui vous êtes donné la peine de les parcourir, qui se fatigue encore en France ?

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