Jacques Famé Ndongo

Ministre camerounais de la Communication

Publié le 21 juin 2004 Lecture : 4 minutes.

Il n’est pas facile d’être le porte-parole d’un président qui communique peu. Jacques Famé Ndongo, 54 ans, s’est retrouvé en première ligne le 5 juin quand les rumeurs les plus folles ont couru sur la mort de Paul Biya. Docteur ès lettres, il se définit volontiers comme le scribe du prince. Son livre sur l’opposant Mongo Beti – disparu en octobre 2001 – a pu semer le doute chez certains. Mais il est originaire de la province du Sud, comme le chef de l’État. Et depuis toujours, il est un fidèle parmi les fidèles.

Jeune Afrique/L’intelligent : La fausse rumeur du décès du chef de l’État a-t-elle été le fruit d’un complot ?
Jacques Famé Ndongo : Je ne peux me prononcer que sur ce dont je suis certain, en m’appuyant sur des preuves tangibles. Il s’agit d’une information – en fait une non-information – diffusée à travers un site Internet que nous avons formellement identifié comme étant la source médiatique originelle de cette nouvelle rocambolesque. C’est une faute professionnelle inadmissible.
J.A.I. : Pour couper court à ce genre de malveillances, ne vaudrait-il pas mieux publier régulièrement un communiqué sur la santé du président et rendre le fonctionnement de l’État moins opaque ?
J.F.N. : C’est un cas de figure envisageable parmi d’autres. Mais je vous rappelle que des bulletins de santé régulièrement publiés ont été quelque peu sujets à caution dans certains pays hautement industrialisés et incontestablement démocratiques dont je préfère taire les noms [pendant dix ans, les bulletins de santé du président Mitterrand dissimulaient le cancer dont il souffrait, NDLR]. Par ailleurs, il n’y a pas de gestion opaque de l’État camerounais. Dans le cas d’espèce, le départ du chef de l’État pour un bref séjour privé en Europe a été annoncé. Le 6 juin, le secrétaire général de la présidence a démenti la rumeur. Mon communiqué a suivi le lendemain. Il y a donc eu une approche cohérente, graduée et méthodique de la gestion de ce fantasme.
J.A.I. : « Certains étaient apparemment pressés d’assister à mes funérailles », a dit le président. A-t-il pu tester à cette occasion la fidélité de ses collaborateurs ?
J.F.N. : Le chef de l’État connaît en profondeur chacun de ses collaborateurs. Il n’est point besoin d’un événement fictif pour les amener à se révéler. Cela étant, le président a pu mesurer ce qu’il savait déjà et que certains feignent d’ignorer : il est particulièrement aimé de son peuple, et même de plusieurs de ses adversaires politiques.
J.A.I. : Que répondez-vous aux opposants qui affirment que la rumeur a été entretenue, voire créée, par le pouvoir lui-même pour mieux en récupérer les bénéfices ?
J.F.N. : Le pouvoir du président Biya n’a guère besoin d’un tel stratagème digne d’un film d’Alfred Hitchcock. C’est un pouvoir solide et populaire. Seul un régime fragile et impopulaire peut recourir à de tels artifices.
J.A.I. : L’accueil populaire que le chef de l’État a reçu à son retour à Yaoundé le 9 juin pourrait-il l’inciter à se représenter à l’élection présidentielle d’octobre prochain ?
J.F.N. : Paul Biya est le candidat statutaire du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais, au pouvoir) à l’élection présidentielle. Par ailleurs, son bilan est digne d’éloge et la plupart des Camerounais lui demandent avec insistance de se représenter. J’ajoute qu’il jouit d’une indéniable santé mentale et physique. À partir de ces paramètres, vous pouvez vous faire une opinion sur la question.
J.A.I. : Jusqu’à présent, moins de la moitié des Camerounais en âge de voter étaient inscrits sur les listes électorales. La refonte des listes va-t-elle suffire ?
J.F.N. : La refonte des listes menée actuellement par le ministre de l’Administration territoriale vise justement à résoudre ce problème. Les 200 partis politiques du pays y sont étroitement associés. Même les églises et les mosquées sont mises à contribution. Le président veut des élections transparentes et sincères. Par ailleurs, il est très favorable à l’informatisation du fichier électoral. Mais cela coûte cher : 9 milliards de F CFA. L’État ne peut pas en supporter le coût tout seul. Et les intentions d’appui de nos partenaires ne se sont pas encore concrétisées.
J.A.I. : Vous dites souvent que le Cameroun n’est pas une monarchie. Mais le président ne doit-il pas songer à préparer son successeur à la tête du RDPC ?
J.F.N. : Le RDPC fonctionne bien. Par ailleurs, le président national du parti n’est pas impotent. La question de la préparation d’un successeur n’est donc pas d’actualité, tout comme les supputations sur le dauphinat à l’échelon suprême de l’État. Enclencher le processus de succession équivaudrait à semer le vent pour récolter la tempête dans une forêt paisible.

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