Interminable épilogue

Né de la guerre en Sierra Leone et au Liberia, le phénomène a trouvé son prolongement dans une Côte d’Ivoire en crise.

Publié le 21 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

Le rapport sur les enfants-soldats publié par l’Unicef(*) début juin rejoint les conclusions d’Amnesty International et du Haut- Commissariat pour les droits de l’homme : rien ne change, ou si peu. En Afrique de l’Ouest, le phénomène, apparu avec les guerres de Sierra Leone et du Liberia, se prolonge avec l’instabilité en Côte d’Ivoire.
Il resterait 21 000 garçons et filles en attente de démobilisation au Liberia et 4 000 en Sierra Leone. Les camps de réfugiés sont de véritables viviers pour les recruteurs de tous bords. Même les forces gouvernementales ivoiriennes ou libériennes, selon l’Unicef, vont y chercher leurs jeunes supplétifs. Les rebelles des Liberians United for Reconciliation and Democracy (Lurd) ont pioché dans les camps de Guinée, où ils avaient leur base arrière. Le Movement for Democracy in Liberia (Model) a attiré, sinon capturé, beaucoup de jeunes Ivoiriens de la région de Danané. La paix de 2003 au Liberia a provoqué le déplacement des adolescents devenus « accros » à la guerre vers le Mouvement pour la justice et la paix (MJP) et le Mouvement patriotique ivoirien du Grand-Ouest (Mpigo).
Certes, des enfants sont enrôlés de force dans les armées, mais beaucoup sont volontaires. La pauvreté est la principale motivation des recrues (34 %), suivie par l’idéologie (21 %), la fascination pour la guerre (15 %), le désir de quitter la famille, de se venger d’exactions ou simplement par peur (entre 9 % et 11 %). Les enquêteurs d’Amnesty ont collecté de nombreux témoignages de victimes devenues bourreaux, perpétuant le système. « On me l’a fait à moi-même, je le fais aux autres » est un leitmotiv.
La réhabilitation et la réintégration sont problématiques. Devenus adultes, leur intégration dans les armées régulières est très malaisée à cause des dégâts psychologiques. Dans les villages, les rescapés d’exactions ne voient pas d’un bon oeil revenir les « brebis galeuses » qui les ont commises, même si c’était sous la contrainte. Les jeunes filles qui ont servi d’esclaves sexuelles ou de concubines aux rebelles sont souvent mères d’enfants en bas âge, et difficilement acceptées.
La réintégration est plus problématique encore lorsque les enfants-soldats ne sont plus dans leur pays d’origine. Toutefois, selon l’ONG britannique Save the Children, la Croix-Rouge espère pouvoir bientôt entamer un programme de recherche des parents et de regroupement familial.
Enfin, chaque petite victime aurait besoin d’un suivi psychologique individuel, ce qui est évidemment hors de portée. Amnesty International estime que cette lacune pourrait être compensée par une éducation ou un apprentissage de qualité. Chaque témoignage se conclut d’ailleurs invariablement par le souhait de pouvoir aller à l’école, afin d’exercer rapidement un métier ou de monter un petit business. « Nous cherchons des moyens pour rénover les écoles dans les zones rurales où les enfants pourraient suivre des cours une fois qu’ils auront quitté les camps de réfugiés. Dans l’intervalle, nous leur offrons des cours élémentaires », déclare Molley Passaway, porte-parole de la commission spéciale du gouvernement libérien pour le désarmement, la démobilisation, la réintégration et la réhabilitation (DDRR).
La question des responsabilités est généralement éludée, comme le dénonce Amnesty : « Personne au Liberia n’a encore été déféré devant la justice pour ces crimes. » À ce jour, ni la communauté internationale ni le gouvernement national de transition n’en ont eu la volonté politique, contrairement à ce qui se passe en Sierra Leone, où la Cour spéciale a tenu sa première audience le 3 juin. « L’espoir d’une paix durable à laquelle les enfants du Liberia ont droit demeurera vain tant que justice n’aura pas été rendue », conclut le texte.

* Unicef France, Situation « Enfants- soldats », juin 2004.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires