Au pays du diamant

Publié le 21 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

Quoi de neuf à Gaborone depuis ma dernière visite, un an auparavant ? Un mall. Un énième mall, flambant neuf, doté de ses salles de cinéma, de ses restaurants « rapides », de ses parkings à perte de vue, de ses magasins de vêtements et de ses camelots promouvant les vertus d’une nouvelle voiture ou d’une planche à découper les légumes. Bref, une ville dans la ville. D’ailleurs, les quatre centres commerciaux qui encerclent Gaborone sont devenus les pôles d’attraction du week-end. Plus question d’aller se promener ou de pique-niquer près du lac, où, pourtant, le soleil couchant offre un spectacle édifiant de quiétude et de beauté, et encore moins de déambuler dans le centre-ville où les magasins ferment un à un, étouffés par la concurrence des malls. Dans l’artère principale de « Gab », on ne trouve plus que quelques petits supermarchés, aux rayons dégarnis, et des vendeurs ambulants. La capitale se transforme en une cité administrative et les lieux de consommation s’installent en périphérie.
Les Botswanais ont un rapport frénétique à la consommation. Ils se passionnent pour les voitures, quitte à vivre de façon sommaire dans des maisons à peine terminées. L’essentiel est d’avoir un toit et de pouvoir financer l’achat d’une automobile neuve. La X5 de la firme allemande BMW les fait fantasmer. Son prix ? 500 000 pulas, soit la bagatelle de 80 000 dollars. Avec un salaire moyen d’environ 4 000 pulas, les familles ont rapidement recours au crédit. L’ennui, c’est que la frénésie de consommation commence à dépasser le cadre de l’automobile. Voilà que Ikea, la grande chaîne de mobilier à bas prix installée dans les pays développés, a ouvert son premier magasin. Avec, évidemment, des facilités de paiement pour les acheteurs. Comme le font également des magasins d’électroménager. Le surendettement guette une grande partie de la population. Et les banques n’hésitent pas, lorsqu’un débiteur ne parvient pas à effectuer ses remboursements durant deux mois consécutifs, à venir récupérer la voiture, qui sera revendue d’occasion.
Cette relation compulsive des citadins à l’achat tient sans doute au fait que l’argent n’a pas toujours coulé à flots. Lors de son indépendance, le 30 septembre 1966, le Botswana faisait partie des pays les plus pauvres au monde. À la tête d’un pays désertique et sans ressource, les autorités ont même nommé la monnaie pula, qui signifie « pluie » en setswana, illustrant ainsi le besoin impérieux que représentaient à l’époque les précipitations pour développer, au moins, l’agriculture. Et puis tout a changé avec la découverte de la mine de diamants. La plus grande au monde. Intelligemment gérée, dans le cadre d’un partenariat public-privé entre le gouvernement et De Beers, cette manne a commencé à déverser ses flots de pulas. Et dans un pays qui n’a pas connu de dérive dictatoriale, de telles ressources augmentent rapidement le pouvoir d’achat de la population et de l’État. Gaborone est d’ailleurs perpétuellement en construction. Mois après mois, les immeubles sortent de terre. Les constructions en verre ultramodernes fleurissent pour dessiner le nouveau siège administratif et industriel de la ville. Le Botswana a pris le train du développement en marche. Pour la population urbaine en tout cas. Les ruraux, eux, continuent à souffrir de la sécheresse et de la pauvreté. Malheureusement, les citadins pourraient bien faire marche arrière. Au sein de la population adulte, ils sont 40 % à être infectés par le VIH. Certes les médicaments sont désormais gratuits et disponibles, mais la majorité des gens hésite à se faire dépister. L’espérance de vie chute et la population meurt. L’exception botswanaise n’y survivra sûrement pas.

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