Voyage en francophonies

Voici un livre qui devrait donner la chair de poule aux membres de l’Académie française et à tous les gardiens de l’orthodoxie linguistique. Il dévoile la capacité de leur idiome adoré à sortir de ses frontières historiques et à s’adapter à la spécificité

Publié le 21 mai 2007 Lecture : 2 minutes.

Il vaut mieux ne pas avoir de « crevaison » sur une route togolaise. Débrouillez-vous pour éviter d’en avoir une parce que, de toutes les façons, en cas de crevaison, votre roue de secours ne vous sera d’aucune utilité. La « crevaison » au Togo, ce n’est pas un pneu qui éclate, une roue qui se perce, ou se dégonfle. Là-bas, ce sont les routes qui ont des crevaisons. De petits trous dans la chaussée ou des ornières géantes, voilà ce que les Togolais appellent « crevaisons ». Ce n’est autre qu’une crevasse dans la chaussée. Les conducteurs de taxis-brousse dans la banlieue de Lomé passent leurs journées à éviter ces crevaisons qui peuvent prendre la forme de nids-de-poule géants.
Il faut dire qu’ils n’ont souvent pas le choix. Pas moyen de contourner une crevaison parce qu’il n’y a pas de déviation possible. Mais en francophonie, même quand il n’y a pas de déviation, il peut toujours y avoir un « détournement ». Si ailleurs, on détourne des avions ou des sommes faramineuses, au Québec, on détourne d’abord la circulation. On fait faire des détours aux automobilistes. Si vous devez brusquement faire un détour, vous entendrez sans doute un « criard ». Ne soyez pas surpris, ce n’est que le klaxon de la voiture qui vous suit et dont le conducteur ne s’est pas encore aperçu que la route était barrée. Et quand on se retrouve face à une portion de route québécoise fermée, il n’y a plus qu’une seule chose à faire, passer la renverse ! Passer la renverse pour retomber sur la bonne route, c’est enclencher la marche arrière. L’expression « faire marche arrière » semble encore beaucoup trop longue aux yeux des conducteurs sénégalais. À « faire marche arrière » ils préfèrent la version raccourcie, « faire arrière ». Les mauvaises langues prétendent que ça montre bien qu’ils sont du genre expéditif au volant.
Pour ne pas se retrouver coincé sur une route belge en travaux, ouvrez bien les yeux. Ne manquez pas les panneaux signalant des « évitements ». Ce n’est encore qu’une affaire de déviation. Avant de faire le détour, prenez soin d’allumer vos « clignoteurs ». Des clignoteurs qui ont, vous vous en doutez, la même fonction que nos clignotants. Méfiez-vous surtout des grenailles, et particulièrement de celles qui errent Les « grenailles errantes » désignent poétiquement les petites canailles qui errent sur les chaussées belges. Des gravillons dangereux surtout à l’approche d’un virage.
Un virage ou plutôt un « contour » comme on dit encore dans certaines régions françaises. Un mot qu’on utilise toujours dans l’océan Indien francophone. À Saint-Denis de la Réunion, « casser les contours », c’est prendre un tournant, négocier un virage qui demande beaucoup d’aisance au volant. Les Réunionnais ne sont pas les seuls à se faire ainsi un code d’expressions routières. Quand on « vole la route » au Rwanda, on roule trop vite en faisant des queues de poisson à tous les autres véhicules. Autant dire que le respect des priorités est un vu pieux. Le passager à bord du bolide peut alors demander qu’on « le verse », c’est-à-dire qu’on le dépose illico presto. Tout cela pour éviter un accident de circulation. Au Congo-Brazzaville, ce n’est pas ainsi qu’on évite les accidents de la circulation. L’expression fait plus souvent référence à une grossesse non désirée

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