Sous le soleil d’Addis

L’Éthiopie veut porter à 1 million par an le nombre de visiteurs d’ici à 2020. Un pari tenable, à condition de rénover le parc hôtelier.

Publié le 21 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Après l’avoir longtemps négligé, les autorités éthiopiennes veulent désormais promouvoir le tourisme. Avec huit sites archéologiques ou naturels inscrits par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité et une diversité de paysages unique, l’ancien « Royaume du prêtre Jean » ne manque pas d’atouts. Le Nord, avec les églises creusées dans le roc de Lalibela, les obélisques d’Axoum, la citadelle de Gondar et le lac Tana, est une pure merveille. La vallée de l’Awash, sur le Rift, est le berceau de l’humanité. Harrar la musulmane évoque les pérégrinations du poète Arthur Rimbaud, dont la masure, restaurée, est devenue un lieu de pèlerinage. Pourtant, et malgré une desserte aérienne de qualité, assurée par la doyenne – et la plus performante – des compagnies aériennes africaines, Ethiopian Airlines, l’Éthiopie n’a accueilli que 180 000 visiteurs étrangers en 2006. Dont seulement 30 000 à 40 000 « vrais touristes ». Un chiffre qui ne satisfait pas Mohamed Drir, le ministre du Tourisme. « Nous visons 1 million de visiteurs en 2020 », explique-t-il. Son département, récemment érigé en ministère à part entière, a dégagé une enveloppe de 1 million de birrs (environ 115 000 dollars) pour communiquer. Car l’Éthiopie, dans l’imaginaire collectif, évoque encore et toujours les grandes famines de 1974 et de 1985
Mais l’État, sous perfusion internationale, manque cruellement de moyens. Le salut – le développement des infrastructures hôtelières – viendra du privé. Addis-Abeba dispose déjà, avec le Sheraton Luxury Collection, de l’un des deux ou trois plus beaux palaces d’Afrique. Construit par le Cheikh Mohamed al-Hammoudi, milliardaire éthiopien d’origine saoudienne, il est dédié aux diplomates et au tourisme d’affaires. Il a ouvert ses portes en 1998 pour un coût de 365 millions de dollars. « Cet hôtel a été conçu pour être la vitrine d’Addis-Abeba, capitale politique et diplomatique de l’Afrique, explique son directeur, le Français Jean-Pierre Manigoff. Lors des dernières assises de l’Union africaine (UA), notre établissement a hébergé 34 chefs d’État et de gouvernement » Le taux de remplissage de ses 293 chambres et 33 suites oscille entre 80 % et 85 %. Des travaux d’agrandissement sont prévus. Ils vont entraîner le déplacement de 12 500 familles vivant dans les environs du palace et permettre de doubler sa superficie. Addis possède un second 5 étoiles, le Hilton, plus ancien, et devrait prochainement voir l’ouverture de deux enseignes 3 étoiles du groupe Accor – un Novotel et un Ibis (une centaine de chambres chacun). Enfin, une multitude d’établissements de standing plus modeste proposent des prestations très inégales.
« En termes d’hébergement, le problème ne se situe pas à Addis-Abeba, mais dans l’intérieur du pays », analyse Gilbert Milhac, fondateur du tour-opérateur Desire Tour. Ce Français installé en Éthiopie depuis douze ans est bien placé pour mesurer le chemin parcouru depuis la chute de Mengistu et celui qui reste à accomplir avant que le pays de Lucy, du roi Salomon et de la reine de Saba puisse rivaliser avec son voisin kényan. L’investissement domestique et extérieur reste très insuffisant. L’Ouest et le Sud, riches en parcs nationaux, possèdent très peu de lodges. Quant aux villes de Lalibela et d’Axoum, elles n’offrent guère plus d’une centaine de chambres, vétustes pour la plupart. « Je refuse régulièrement du monde à certaines périodes de l’année, notamment pendant les fêtes de Timkat – l’épiphanie orthodoxe. Il faut réserver plus d’une année à l’avance vols intérieurs et chambres pour trouver de la place. La solution espérée par tous les professionnels, c’est qu’un grand groupe reprenne la chaîne d’hôtels étatiques Ghion, qui sont sur la liste des sociétés à privatiser, les étendent et les rénovent. »
La demande existe et elle est en augmentation régulière. Principaux marchés émetteurs : la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Espagne, Israël, les États-Unis et le Japon. Russes et Chinois sont en embuscade. Bref, presque tous les ingrédients sont réunis pour que l’Éthiopie devienne une destination touristique émergente. Ce qui ferait le plus grand bien à sa population, massivement touchée par le chômage, et qui reste l’une des plus pauvres de la planète, avec un revenu par habitant à peine supérieur à 100 dollars par an.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires