Ramos-Horta, plus pragmatique qu’idéologue
Élu président dans un fauteuil, le Prix Nobel de la paix 1996 veut reconstruire l’unité du pays, tout en faisant montre de réalisme.
« Je travaillerais pour les pauvres, [] pour unir le pays et guérir les blessures. » Tels ont été les premiers mots de José Ramos-Horta après son élection à la présidence du Timor-Oriental le 9 mai avec près de 73 % des voix. Favori du second tour, il était opposé au candidat du Fretelin (Front révolutionnaire pour l’indépendance du Timor-Oriental), qui a gouverné le pays de 1999, date du référendum sur l’indépendance, jusqu’à l’explosion de violences ethniques et politiques l’année dernière.
Vieux routier de la politique, José Ramos-Horta fut ministre à l’âge de 26 ans, puis porte-parole à l’étranger de la résistance timoraise contre l’occupant indonésien, pendant un quart de siècle. Son engagement pacifique mais obstiné aux côtés de son peuple lui a valu le prix Nobel de la paix 1996, qu’il a partagé avec son compatriote Mgr Carlos Ximenes Belo.
Fils d’un Portugais exilé et d’une Est-Timoraise, José Ramos-Horta, 57 ans, est un battant. Il a survécu à l’exil et aux crises de régime avant de s’imposer à nouveau sur la scène politique. Prenant ses distances avec le Fretelin, au sein duquel il milita pour libérer le pays de l’emprise coloniale indonésienne, il s’est rapproché de Xanana Gusmao, son très respecté prédécesseur et ex-chef des guérilleros. C’est précisément Gusmao qui l’a nommé Premier ministre en juillet 2006 alors que le pays était confronté à une grave crise sociale et politique. Le président sortant, qui n’était pas candidat à sa propre succession, avait appelé à voter pour son poulain. Les deux hommes vont réunir leurs forces dans la perspective des législatives, qui devraient se tenir cet été et auxquelles Gusmao envisage de participer à la tête de son parti, le Congrès national de reconstruction du Timor, récemment créé. En cas de victoire de son parti, Gusmao prendra la direction du gouvernement. Le nouveau président s’est engagé à travailler de concert avec lui pour supprimer les mesures impopulaires imposées par le précédent gouvernement.
L’élection à la présidence de Ramos-Horta réveille l’espoir d’une ère de paix et de stabilité pour un pays qui n’a connu que divisions et paupérisation depuis l’indépendance. Le Timor-Oriental est l’un des pays les plus pauvres du monde. Le revenu intérieur brut hors pétrole stagne à 345 dollars par tête, et le taux d’analphabétisme touche 54 % de la population. Les Est-Timorais tiennent le gouvernement Fretelin pour responsable de cette situation désastreuse. À la suite des violences qui avaient éclaté l’année dernière et mis la capitale Dili à feu et à sang, le Premier ministre Mari Alkatiri avait été contraint à la démission. C’est le déploiement de militaires étrangers, rappelés en renfort par le président Gusmao, qui avait permis de ramener la paix.
Pour le nouveau président élu, qui a fait campagne sur le thème de la sécurité, l’ordre public ne pourra plus être assuré dans un pays aussi divisé que le Timor si les forces étrangères (la Mission intégrée des Nations unies au Timor-Leste, Minut) se retiraient. C’est pourquoi Ramos-Horta souhaite le maintien de la force multinationale pendant « au moins cinq ans ». Plus pragmatique qu’idéologue, il n’a cessé de rappeler que la souveraineté n’avait aucun sens si le gouvernement est incapable de garantir la sécurité de la population. « Ma priorité consistera, a-t-il martelé, à m’assurer que nos femmes, nos enfants, nos jeunes et nos vieux peuvent dormir en paix la nuit et se déplacer sans peur dans la journée pour se rendre à l’école, au bureau ou aux champs. »
Conscient que 42 % de la population timoraise a moins de 15 ans, Ramos-Horta promet d’utiliser l’argent public pour répondre d’abord aux besoins de la jeunesse, qui, estime-t-il, a été totalement négligée par le précédent gouvernement. Il tient par ailleurs sur la situation économique un discours de vérité plutôt qu’un discours nationaliste de haine et de revanche sur l’ancienne puissance coloniale, ce qui ne laisse pas insensible la population timoraise, impatiente de rattraper le niveau de vie de ses voisins asiatiques.
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