Céréales et laits africains souffrent d’une concurrence européenne déloyale, d’après Coordination Sud
L’Europe reprend d’une main l’aide qu’elle apporte de l’autre à l’Afrique. Telle est la conclusion de l’étude « Politique agricole commune : quelle cohérence avec le développement des agricultures paysannes du sud » publiée en octobre par Coordination Sud.
En effet, des aides directes à l’hectare sont versées par l’Union européenne aux agriculteurs français et « l’existence de paiements directs permet un gain de compétitivité pour les productions européennes commercialisées sur le marché mondial, peut-on lire dans l’étude de cette plateforme de 170 ONG françaises de solidarité internationale. [L’UE] contribue donc à accroître la concurrence des importations d’origine européenne sur les marchés des pays du Sud ». C’est particulièrement vrai pour deux produits : le lait et le blé.
« L’Afrique de l’Ouest a un fort potentiel en matière de produits laitiers, explique Amadou Hindatou, responsable de la campagne »Mon lait est local » lancée par l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane (Apess), mais nous sommes inondés par le »faux lait » européen, des sachets de poudre de lait dégraissée auquel on rajoute de l’huile de palme ou de coprah. Notre lait coûte entre 600 et 1 500 francs CFA le litre contre 180 à 400 francs CFA pour le litre de faux lait ».
L’Apess a lancé une campagne, le 1er juin 2018, au Burkina Faso, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal et au Tchad pour expliquer aux consommateurs la différence de qualité entre les deux laits. Mais l’action de l’association ne s’arrête pas là.
Revendication de protection douanière accrue
« Nous demandons que le tarif extérieur commun de la Cedeao soit rehaussé sur le mélange de poudre de lait et d’huile végétale de 5 % à 30 %, détaille Amadou Hindatou, et qu’en même temps, le lait local soit exonéré de TVA. Mais nous demandons aussi à nos gouvernements de ne pas ratifier les accords de partenariats économiques (APE) avec l’UE ou de les réviser, car ils libéralisent l’importation de cette poudre de lait. Enfin, nous voulons que les multinationales qui transforment la poudre de lait en Afrique soient transparentes sur la traçabilité de leurs poudres et y incorporent un pourcentage minimum de lait local ».
La situation est comparable en matière de céréales. Faut-il rappeler que le prix du kilo de pain à Abidjan, selon le rapport, est de 700 francs CFA contre 1 000 francs CFA pour le kilo d’attiéké ? En poussant le consommateur à modifier ses habitudes alimentaires au profit de céréales qui ne poussent pas en Afrique subsaharienne, la percée du blé dans l’alimentation du citadin africain a beaucoup de chances de diminuer l’autosuffisance de la région et donc son exposition aux fluctuations des cours mondiaux, alors que s’annonce un doublement de sa population.
Masse Gning, agent de développement à la Fédération des organisations non-gouvernementales du Sénégal (Fongs), décrit les initiatives paysannes qui ont été lancées depuis 2015 pour renverser cette tendance dangereuse : « Pour valoriser les céréales locales au Sénégal et en particulier le mil et le maïs, explique-t-il, nous avons mobilisé dans trois régions 150 exploitants attachés aux bonnes pratiques de l’agroécologie, trois minoteries productrices de farines panifiables, 70 boulangeries cuisant du pain et 180 femmes »transformatrices » de ces farines en pain et en gâteau. Les quantités et les prix de ces farines de mil et de maïs sont connues d’avance et tout est géré de façon collective ».
Les aides découplées du type de production pointées du doigt
Cette chaîne a permis d’incorporer des farines de mil ou de maïs dans le pain pour 20 % à 30 % et pour 100 % dans les beignets des »transformatrices ». Depuis cette année, elle a été été étendue à quatre nouvelles régions.
Coordination Sud estime que ces efforts doivent être complétés en Europe pour mettre fin aux pratiques de dumping qui pénalisent les agricultures du Sud. Entre autres mesures, l’association préconise de remplacer l’actuel mécanisme d’aides « découplées », c’est-à-dire indépendantes du type de production, par des subventions ciblées en fonction d’objectifs de transition agroécologique de l’agriculture européenne.
Elle dénonce la pression exercée sur les pays africains pour qu’ils baissent leurs droits de douane dans le cadre des APE et demandent la fin des importations d’huile de palme.
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