Cameroun : lettre ouverte à Emmanuel Macron en faveur de la résolution de la crise anglophone

Cinquante universitaires, intellectuels et défenseurs des droits de l’homme demandent au président français d’encourager son homologue camerounais Paul Biya à participer ouvertement aux pourparlers de paix menés par la Suisse pour tenter de mettre fin à la crise anglophone au Cameroun.

Les présidents Paul Biya et Emmanuel Macron, le 29 novembre 2017 à Abidjan. © Diomande Ble Blonde/AP/SIPA

Les présidents Paul Biya et Emmanuel Macron, le 29 novembre 2017 à Abidjan. © Diomande Ble Blonde/AP/SIPA

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  • Rebecca Tinsley

    Fondatrice de Waging Peace, auteur de « When the Stars Fell to Earth », et défenseur des droits de l’Homme

Publié le 12 novembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Cher Monsieur le Président Emmanuel Macron,

Nous, intellectuels, écrivains, et avocats des droits de l’homme soussignés, écrivons pour implorer la France de renforcer son engagement en faveur de la résolution de la crise anglophone au Cameroun, décrite par certains analystes comme « le Rwanda au ralenti ».

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Plus précisément, nous exhortons respectueusement la France à utiliser son influence considérable sur le gouvernement du Président Paul Biya pouvant ainsi encourager le Cameroun à se rallier ouvertement aux pourparlers de paix conduits par la Suisse ce qui permettrait de cesser les meurtres et les atrocités perpétrés dans les régions Nord-Ouest et Sud-Ouest du pays. Une solution durable doit coûte que coûte provenir d’un processus de médiation incluant les groupes séparatistes armés anglophones et les dirigeants de la société civile non violents.

Crimes contre l’humanité

C’est urgent : la violence déshumanisante au Cameroun ne doit pas atteindre la même ampleur que celle survenue au Rwanda en 1994. Tandis que d’une part des groupes armés non-étatiques et des bandits utilisent des machettes pour mutiler, torturer et décapiter, d’autre part, les forces gouvernementales commettent des crimes contre l’humanité tels que des exécutions extrajudiciaires et des villages brûlés. Les journalistes, les politiciens de l’opposition et d’autres civils sont détenus à tort. Plus d’un demi-million d’anglophones sont déplacés alors qu’ils fuient la violence. Des centaines de milliers d’enfants ont manqué l’école pendant plus de trois ans et, selon des rapports récents des Nations unies, 1,4 million de personnes risquent de souffrir de famine.

La France et la communauté internationale savent sans doute que le récent Grand dialogue national, organisé par le Cameroun, n’a pas abordé de manière adéquate la crise anglophone. Par conséquent, la violence persiste dans les régions anglophones depuis la fin du dialogue, le 4 octobre.

Le Grand dialogue national n’a pas su mettre fin aux atrocités ni a produit une solution politique acceptable ou viable pour les régions anglophones

Le Grand dialogue national et la libération des prisonniers politiques ont été un pas dans la bonne direction. Cependant, le dialogue n’a pas abordé les causes profondes du conflit ; il excluait toute discussion sur d’autres formes de gouvernance et n’offrait pas suffisamment de garanties de sécurité aux dirigeants de la diaspora et des séparatistes. Autrement dit, il n’a pas su mettre fin aux atrocités ni a produit une solution politique acceptable ou viable pour les régions anglophones. Les pourparlers menés par la Suisse semblent désormais être le seul moyen de parvenir à une solution politique appropriée, et ce, par le biais d’une table de négociation inclusive.

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Relations historiques

Monsieur le Président, nous espérons que, vous personnellement et votre pays, la France, valorisent vos relations historiques et vos liens tissés avec le Cameroun, et souhaitent le retour de la paix dans ce pays. Nous croyons que la France ne souhaite pas se rendre complice d’un autre génocide en Afrique après le Rwanda et qu’elle prenne toutes les mesures possibles dès maintenant. Veuillez promouvoir vivement les pourparlers suisses afin que la violence puisse cesser immédiatement, que les droits de l’homme soient respectés et que la normalité revienne au Cameroun anglophone et francophone.

Les Camerounais et les Camerounaises, frères, sœurs et amis du Cameroun en France, ainsi que le monde entier, vous attendent.

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Cette lettre a été signée par 50 universitaires, intellectuels et défenseurs des droits de l’Homme, incluant Dr. Gregory H Stanton, Fondateur président de Genocide Watch, et M. Francis Kpatindé, Maître de conférences à Sciences Po Paris. La liste complète des signataires à retrouver ici.

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