« Je suis président du sénat, pas vice-président de la République »

Publié le 21 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Tout le monde a été surpris par votre élection à la présidence du Sénat. Et vous ?
Kengo wa Dondo : Moi, je n’ai pas été surpris. Nous sommes vingt-six indépendants au Sénat. Nous sommes aussi vingt sénateurs de la province de l’Équateur. Et puis, par les relations personnelles que j’ai tissées à l’époque où j’exerçais de hautes charges, j’ai glané des voix à l’AMP [NDLR : Alliance de la majorité présidentielle, de Joseph Kabila] et à l’Union [NDLR : Union pour la nation, de Jean-Pierre Bemba].
Qu’avez-vous dit à chacun des 107 sénateurs que vous avez rencontrés ?
Je leur ai dit que le Sénat a besoin d’un président qui a une stature d’homme d’État.
Jusqu’à la veille du vote, l’AMP présentait plusieurs candidats. N’avez-vous pas profité des divisions en son sein ?
C’est possible, parce qu’il y avait au départ cinq candidats de l’AMP. Si She Okitundu avait fait l’unanimité, il aurait peut-être été élu, mais il y a eu certainement des divisions et des rancurs.
La personnalité de She Okitundu n’a-t-elle pas joué contre lui ?
Probablement, mais je ne saurais l’affirmer.
En clair, ce n’était pas le meilleur candidat de l’AMP contre vous ?
Cela, c’est vous qui le dites [rires].
La presse de Kinshasa prétend que le gouvernement a payé le prix de l’arrogance et du mépris à l’égard de ses adversaires
Non, je ne veux pas entrer dans ce débat-là. Moi, je me situe au centre. Mon rôle principal, c’est de concilier les contraires. Pas de cultiver les antagonismes.
Vous dites que vous vous situez au centre, mais vous avez appelé à voter Bemba au second tour de la présidentielle
Oui, mais je n’ai pas rejoint l’Union. Et aux élections sénatoriales de janvier, je me suis présenté comme indépendant.
Pourquoi avez-vous voté Bemba au second tour ?
Bemba est de l’Équateur, comme moi. Au premier tour, cette province avait voté massi?vement Bemba. Si je voulais être élu sénateur dans l’Équateur, il fallait que je prépare les esprits.
Vous êtes au centre, mais vous devez bien pencher pour Kabila ou Bemba
?Non, je ne suis ni centre droit ni centre gauche. Je suis centre ! N’oubliez pas que l’une des attributions du Sénat, c’est de concilier les uns et les autres. Je dois donc rester au centre pour être crédible et arbitrer certains conflits.
Cela vous permet-il d’empêcher une confiscation de tous les pouvoirs par un seul parti ?
Entre autres. Il ne faut pas qu’on arrive à une dérive dictatoriale. La démocratie n’existe que lorsque l’opposition a un espace. Mais l’opposition doit s’exprimer aussi dans un esprit républicain.
Constatez-vous une dérive autoritaire ?
Non, je n’ai pas encore remarqué cela. Et je constate que les brimades contre certains députés de l’Union ont pris fin.
N’allez-vous pas imposer de fait une cohabitation virtuelle au président Kabila ?
Non. Pour imposer une cohabitation, il faut disposer d’une majorité. Attention aux spéculations. Ce qui compte, c’est la paix civile.
Le président Kabila n’a-t-il pas du mal à accepter l’idée qu’il sera remplacé par un adversaire en cas de vacance du pouvoir ?
Mais pourquoi toujours brandir ce spectre de la peur ? Moi, je suis un légaliste et je me soumets à la Constitution. Je suis président du Sénat, et pas vice-président de la République ! Je n’ai aucun droit de succession. Certes, la Constitution parle de cette suppléance, mais de toute façon le président de la République n’a que la moitié de mon âge. La loi de la nature veut donc que je disparaisse avant lui !
Allez-vous créer un parti du centre ?
Pourquoi pas ? Moi, je suis centriste dans les gènes. Je n’aime pas les gens excessifs, et j’ai toujours considéré que mon pays devait être gouverné au centre. Donc, le moment venu, je pourrais créer un grand parti du centre, qui réunira le centre droit et le centre gauche.
La justice réclame la levée de l’immunité du sénateur Bemba. Qu’en pensez-vous ?
Je considère que ce problème est éminemment politique. Il ne faut pas en faire une question judiciaire qui risque d’exacerber la situation et l’opinion. Il faut un règlement politique de ce dossier.
Avez-vous parlé avec le président Kabila depuis votre élection du 11 mai ?
Pas encore.
Il ne vous a envoyé aucun message ?
Je ne peux pas répondre à cette question. Sinon, je révélerais déjà beaucoup de choses. J’ai un devoir de réserve et de silence

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