Forum de Paris sur la Paix : le développement durable en mal d’action sur le continent africain

Le Forum de Paris sur la Paix a été l’occasion de rappeler l’importance des objectifs mondiaux de développement durable (ODD) de l’ONU, véritables armes contre les conflits. Mais au-delà des paroles, il est urgent de passer à l’action, en particulier sur le continent africain.

Discussions sur le développement durable lors du Forum de Paris sur la Paix. © Bruno Levy pour JA

Discussions sur le développement durable lors du Forum de Paris sur la Paix. © Bruno Levy pour JA

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Publié le 14 novembre 2019 Lecture : 4 minutes.

Guerre et paix ne peuvent être envisagées exclusivement sous l’angle sécuritaire. Le constat rassemble l’ensemble des dirigeants présents au Forum de Paris sur la Paix, réunis du 11 au 13 novembre dans la capitale française. Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement, et tout autant de ministres, ont répondu présent pour échanger autour des grands enjeux qui devraient permettre de maintenir ou créer les conditions de cette paix. Parmi eux, de nombreux Africains. Et le ton est à la durabilité. 

« La pauvreté est un défi résultant de causes qui ne sont pas qu’économiques et sociales, mais aussi environnementales », a mis en avant Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement (AFD) lors d’une conférence. Santé, éducation, égalité entre les sexes, lutte contre la pauvreté ou changements climatiques font partie des 17 priorités de l’agenda 2030 des objectifs de développement durable (ODD), adoptés en 2015 par les 193 États membres des Nations unies.

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Le temps presse : il ne reste plus qu’un peu plus de dix ans pour appliquer ces mesures qui ont tardé à voir le jour. Pourtant, leur mise en oeuvre se fait encore attendre. 

Une priorité commune

Le défi climatique fait partie des principaux sujets de préoccupation listés par Emmanuel Macron durant la cérémonie d’ouverture de cette deuxième édition. Le chef de l’État français a néanmoins souligné la difficulté à trouver des solutions dans un contexte de repli : « Ces défis arrivent à un moment de fracture du système international alors nous avons besoin de plus de coopération pour y répondre ». 

Le président de la République démocratique du Congo (RDC) Félix Tshisekedi a répondu à son appel assurant que son pays « sera au rendez-vous pour donner et recevoir en ce qui concerne la paix et le développement durable dans le monde ». Et de souligner les capacités du bassin du Congo pour lutter contre le réchauffement climatique, en mettant en valeur ses terres arables capables de « résorber deux fois le déficit alimentaire mondial » ou encore le potentiel énergétique de ses eaux douces et la richesse en minerais de son sol. 

Mais d’autres acteurs posent de but en blanc la question des actes après les bonnes paroles et de la méthode à adopter, au delà des constats. « Nombre de pays sont loin de pouvoir utiliser les même outils que les Suédois ou les Canadiens. Il faut se demander dans quelle mesure ces objectifs sont pertinents par exemple pour les paix qui sortent de guerres », a insisté le Premier ministre somalien, Hassan Ali Khayre.

Le président français Emmanuel Macron et son homologue congolais Félix Tshisekedi lors du Forum de Paris sur la paix. © Ian Langsdon/AP/SIPA

Le président français Emmanuel Macron et son homologue congolais Félix Tshisekedi lors du Forum de Paris sur la paix. © Ian Langsdon/AP/SIPA

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150 milliards de dollars pour atteindre les ODD

« L’aide publique au développement est un levier utile mais il ne suffira pas, met en garde Philippe Lacoste, directeur développement durable au Quai d’Orsay. Sans changement profond de méthode, nous n’atteindrons par les ODD ». Comment, dans ces conditions, rassembler les moyens de ces ambitions partagées ? La question est sur toutes les lèvres, alors qu’au moins 150 milliards de dollars sont nécessaires à l’atteinte de ces objectifs. Voire 20 fois plus, selon les estimations. 

Le renforcement du recouvrement des recettes fiscales et la lutte pour la transparence font partie de la solution. « Il faut lutter contre la corruption qui explique en partie la pauvreté, estime ainsi le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed. Il faut un leadership sur ces questions pour engendrer un changement d’état d’esprit ».  

Les ressources extérieures à disposition des pays en développement ont régressé

Les regards se tournent aussi vers la mobilisation de finances privées, objet de plusieurs panels de discussion. Or, le contexte n’est pas encourageant à en croire Gabriela Ramos, directrice de cabinet du secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) : « Les ressources extérieures à disposition des pays en développement ont régressé, les investissements directs à l’étrangers ont ainsi baissé de 20 % ». 

Ibrahim Boubacar Keita, Emmanuel Macron, Idriss Deby et Mahamadou Issoufou, le 12 novembre 2019. © Johanna Geron/AP/SIPA

Ibrahim Boubacar Keita, Emmanuel Macron, Idriss Deby et Mahamadou Issoufou, le 12 novembre 2019. © Johanna Geron/AP/SIPA

Pour rassurer entreprises et actionnaires, la création d’un cadre de référence à même de mesurer de manière cohérente non seulement ces risques mais aussi l’impact des ODD est plébiscité. 

L’OCDE y travaille justement, main dans la main avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le réseau IPM (Impact Management Project). Mais faut-il attendre des standards internationaux pour se lancer ? Ce forum aura au moins eu le mérite de poser ces questions, sans y répondre concrètement. 

Sortir de l’attentisme 

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Parmi les 120 porteurs de projets présents, Boris de Fautereau, derrière son stand, propose une amorce de solution avec sa société WEEECAM. Démarré en 2011 à Douala et Yaoundé, au Cameroun, il y recycle les déchets d’équipements électriques et électroniques. Certains sont reconditionnés et revendus sur place, d’autres démantelés et envoyés à des filières durables et traçables en Europe. Le projet réunit préoccupations environnementales, partenariats locaux, formations et créations d’emplois. « On parle de ces problématiques en Afrique depuis 20 ans, dans des grands discours à Genève et New-York, mais il ne se passe rien », dénonce-t-il. 

Son objectif : prouver que son modèle économique est viable sans subventions pour lutter contre « l’attentisme » ambiant. Il a déjà trouvé 4 millions d’euros de financement sur les 6 nécessaires à son développement à échelle industrielle. Son business-model, assure-t-il, fonctionnerait à partir d’un volume de traitement de 2 500 tonnes par an.

Venu au Forum pour la Paix pour chercher visibilité et financements, il a su profiter de l’événement pour aller vers la délégation camerounaise et rencontrer à force d’insistance des ministres qu’il aurait mis des mois à approcher hors de ce cadre. Un petit pas dans un sommet aux yeux plus gros que le ventre. 

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