Guerre des clans

Jugée illégale par certains, la destitution de Jacques Anouma à la tête de l’Union des fédérations ouest-africaines jette le trouble sur l’impartialité de la CAF.

Publié le 21 mai 2007 Lecture : 4 minutes.

Alors qu’en Europe les as africains du ballon rond disputent leurs derniers matchs de la saison 2006-2007, les dirigeants du continent ont déjà entamé une tout autre confrontation : l’élection en 2009 du président de la Confédération africaine de football (CAF). Le Camerounais Issa Hayatou, en poste depuis 1988, a d’ores et déjà fait savoir qu’il briguera un cinquième mandat de quatre ans.
Pour le président sortant, la campagne a commencé dès janvier 2006. L’assemblée générale de la CAF, tenue au Caire, avait alors élu au Comité exécutif de la Fifa (Fédération internationale de football association) le Nigérian Amos Adamu et l’Ivoirien Jacques Anouma, tous deux dirigeants d’associations nationales membres de l’Union des fédérations ouest-africaines de football (Ufoa). Directeur des sports du Nigeria depuis 1991, le premier, qui prône la mise sous tutelle gouvernementale du football dans son pays, s’est toujours opposé à l’ingérence de la Fifa dans les affaires de la Nigeria Football Association (NFA). Le second, directeur financier de la présidence à Abidjan, dirige depuis février 2002 la Fédération ivoirienne de football (FIF) et préside l’Ufoa depuis le 17 avril 2004.
Si le Dr Amos Adamu a bénéficié, au Caire, du soutien de l’establishment de la CAF, Anouma, lui, ne s’est pas attiré les faveurs des hiérarques. Soupçonné de vouloir se présenter contre Hayatou en 2009, l’Ivoirien fait l’objet, depuis son élection à la tête de l’Ufoa, d’un procès en incompétence. Ses détracteurs dénoncent sa mauvaise gestion au sein de l’organisation et son incapacité à organiser des compétitions dans les pays de la zone d’Afrique de l’Ouest.
À l’occasion de l’assemblée générale de la CAF, tenue à Khartoum les 10 et 11 février dernier, les partisans d’Hayatou, à l’instar du président de la fédération béninoise Anjorin Moucharafou et du Sénégalais Badara Sène, ont tâché de récupérer le maximum de motions de soutien et d’allégeance au président sortant. Dans la foulée, un amendement des statuts de la CAF qui stipule que « toute union zonale doit inviter obligatoirement la CAF à assister à leur assemblée générale » a été adopté. En clair, l’instance africaine s’arroge un droit d’ingérence.
Peu de temps après, le Dr Adamu convoque à Abuja (Nigeria) treize membres de l’Ufoa. « Une simple invitation à déjeuner », selon Anjorin Moucharafou, à laquelle n’est pas convié Jacques Anouma. Durant cette rencontre, le Nigérian convainc la plupart de ses hôtes de se retrouver à « l’assemblée générale élective » organisée à Accra (Ghana) le 14 avril, date à laquelle Jacques Anouma, le président statutaire, doit convoquer une réunion d’information à Abidjan
Le rassemblement d’Accra, qui réunit des représentants de neuf associations membres (dont curieusement celle du Mali) ainsi que des membres du comité exécutif de la CAF tels que le général Seyi Mèmène (Togo), vice-président, Amadou Diakité (Mali) et Almamy Kabelé (Guinée), se termine par l’élection du Nigérian à la tête de l’Ufoa. Un vote aux allures de putsch tant il vrai que les participants de l’assemblée générale ont délibérément ignoré les statuts de l’Ufoa. Ceux-ci stipulent en effet que seul le comité exécutif peut convoquer une assemblée générale extraordinaire. Ils ne prévoient pas de destitution du président en exercice, mais, en cas de vacance, son remplacement par le premier vice-président. Enfin, lors d’élections, « les noms des candidats au comité exécutif de l’Ufoa doivent être transmis par leurs associations nationales quatre-vingt-dix jours au moins avant la date prévue pour la réunion de l’assemblée élective ».
L’affaire remonte aux oreilles du chef de l’État ivoirien Laurent Gbagbo. Lequel exige le « respect de la constitution de l’Ufoa », tout en proposant sa médiation. Simplice Zinsou, membre d’une commission de la CAF et ex-conseiller d’Issa Hayatou, fustige une grossière cabale dont « la pièce maîtresse » n’est autre qu’Anjorin Moucharafou. « C’est Hayatou qui tire les ficelles, dénonce-t-il. Sa responsabilité est engagée. Adamu n’est qu’une marionnette utilisée pour casser Anouma avant les élections de la CAF prévues en 2009 ! » « C’est un complot, renchérit Jacques Anouma. Nous saisirons la Fifa qui tranchera. » En attendant, six ministres des Sports de la zone Afrique de l’Ouest se sont réunis le 24 avril à Dakar afin de demander au président de la CAF de faire respecter les statuts de l’Ufoa. Le ministre ivoirien Dagobert Banzio et Jacques Anouma ont également entrepris une tournée dans la sous-région. Le président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Blaise Compaoré, a même été interpellé. Et coup de théâtre, le 5 mai dernier, à Zurich, Hayatou reçoit Anouma. Le 5 juin, le Comité exécutif de la CAF se réunira au Caire pour examiner l’affaire. Entre-temps, la Fifa aura tenu, le 31 mai, son congrès à Zurich.

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