Bons baisers de Shanghai

Publié le 21 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

L’Afrique et la Chine ne cessent décidément de resserrer leurs liens. Après l’étape politique (la réunion de quarante-huit chefs d’État à Pékin, en novembre 2006), voici le temps de l’économie. Pour ses 42es assemblées annuelles (16-17 mai), la Banque africaine de développement (BAD) s’est en effet offert une virée à Shanghai. Comment la Chine, ce pays qui construit tout, pourrait-elle ne pas séduire l’Afrique, ce continent où tout, ou presque, reste à construire ? Le décor était à la mesure des ambitions des organisateurs. Il y a vingt ans, Pudong n’était qu’un immense terrain vague. C’est aujourd’hui un prospère quartier d’affaires, où les hôtels de luxe succèdent aux gratte-ciel futuristes.
Trois chefs d’État africains, le Rwandais Paul Kagamé, le Malgache Marc Ravalomanana et le Cap-Verdien Pedro Pires, avaient fait le déplacement et ont été reçus par Wen Jiabao, le Premier ministre chinois. En matière de gestion macroéconomique, tous ont la réputation d’être de bons élèves. Reste que, dans ce décor somptueux, les débats sur le néocolonialisme et la non-ingérence de la Chine dans les affaires de pays comme le Soudan avaient quelque chose d’un peu surréaliste.
Présidée depuis deux ans par le Rwandais Donald Kaberuka, la BAD se montre beaucoup plus active que par le passé, ambitionne de devenir le premier partenaire stratégique des États africains et, dans cette perspective, a augmenté le nombre de ses représentations. La création, l’an dernier, du poste d’économiste en chef (confié à l’Ougandais Louis Kasekende) a indiscutablement favorisé la recherche de modèles économiques différents de ceux utilisés par la Banque mondiale. Dans l’immédiat, le grand défi auquel la banque est confrontée est le refinancement de son guichet concessionnel, le Fonds africain de développement, auquel il manque 5,4 milliards de dollars.
Mais les résultats s’améliorent. Le total des engagements de la BAD a crû de 13,1 % par rapport à l’an dernier, passant de 3,48 milliards à 3,93 milliards de dollars. 37,2 % d’entre eux concernent les infrastructures. Le contexte général est favorable à l’Afrique. La croissance sur le continent avoisine 6 %, les allègements de dette se multiplient et la demande asiatique de matières premières s’envole. Le principal danger tient au niveau très élevé des cours du pétrole, qui provoque des poussées inflationnistes dans les pays non producteurs et grève les finances publiques.
Bien sûr, le développement spectaculaire des relations commerciales avec la Chine a suscité beaucoup d’interrogations, à Shanghai. Il est certain que les achats massifs de matières premières – hydrocarbures, en premier lieu – n’incitent pas forcément les pays producteurs à entreprendre des réformes économiques aussi indispensables que douloureuses. En outre, les régimes les plus fragiles ont souvent du mal à négocier des contrats équitables avec les compagnies chinoises, lesquelles utilisent la main-d’uvre et les matériaux de construction locaux avec trop de parcimonie. Enfin, les industries manufacturières africaines se montrent généralement incapables de faire face à l’afflux de produit chinois à bas prix.
« Bien sûr, a expliqué Trevor Manuel, le ministre sud-africain des Finances, la Chine défend ses intérêts et poursuit ses propres objectifs économiques, mais nous aussi ! Pour jouer son rôle d’atelier du monde, nos partenaires ont besoin d’intrants industriels. La diversification et les réformes, c’est notre travail : faisons-le ! » Autant qu’on puisse en juger, la plupart des délégations présentes à Shanghai partagent cette analyse. Le coût de la main-d’uvre chinoise augmentant, un espace se dessine peut-être pour l’industrie africaine. On devrait avoir l’occasion de le vérifier l’an prochain à Maputo, où se tiendront les 43es assemblées annuelles de la BAD.

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