Un voisin qui dérange
En faisant pression sur le chef de l’État zimbabwéen, Jacob Zuma cherche aussi à se démarquer du président Thabo Mbeki, son prédécesseur à la tête de l’ANC.
« La situation au Zimbabwe est d’autant plus inquiétante que certaines informations font état d’une éruption de violence dans le pays. Le retard pris dans la publication des résultats est chaque jour un peu plus source d’inquiétude. » En s’exprimant ainsi le 16 avril, Jacob Zuma a marqué clairement sa différence avec Thabo Mbeki, son prédécesseur à la tête du Congrès national africain (ANC).
Ce dernier, qui a été mandaté par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) pour diriger la médiation dans la crise zimbabwéenne, a mené une « diplomatie discrète », en partie dictée par le respect qu’il estime devoir à Robert Mugabe, dernière incarnation de la lutte de libération encore au pouvoir. Après avoir affirmé, lors du sommet extraordinaire de la SADC, à Lusaka (Zambie), le 12 avril, qu’il « n’y avait pas de crise » au Zimbabwe, Thabo Mbeki a finalement fait machine arrière en demandant, à l’instar des Occidentaux, la publication immédiate des résultats de la présidentielle.
Le nouveau patron du parti de Nelson Mandela, lui, n’a pas eu besoin de faire volte-face. Soucieux de prendre ses marques et de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont soutenu dans sa prise de contrôle de l’ANC, le Parti communiste et la centrale syndicale Cosatu notamment, Zuma s’est toujours dit prêt à précipiter la rupture avec le chef de l’État zimbabwéen. Tout d’abord, par solidarité avec le travailliste Morgan Tsvangirai, qui revendique sa victoire sur Mugabe. Ensuite, parce que comme candidat à la présidentielle sud-africaine, il souhaite donner des gages de bonne volonté aux alliés occidentaux, au premier rang desquels le Royaume-Uni et les États-Unis, jusqu’ici plutôt inquiets par ses prises de position controversées sur le sida et ses nombreux ennuis judiciaires (inculpations pour viol, pour corruption, etc.).
Reste à savoir si Zuma a suffisamment d’influence dans la région pour convaincre ses dirigeants de le suivre. Au sein de la SADC, les plus impatients commencent timidement à faire entendre leurs voix. À New York le 16 avril, lors d’une réunion du Conseil de sécurité sur les questions de maintien de la paix en Afrique, le chef de l’État tanzanien et président en exercice de l’Union africaine (UA), Jakaya Kikwete, s’est fait fort d’aborder la question du Zimbabwe. « La SADC fait un travail remarquable pour s’assurer que la volonté du peuple zimbabwéen soit respectée », a-t-il affirmé devant ses pairs. Langage diplomatique, certes, mais qui ne cache pas la volonté de ces jeunes dirigeants que sont Kikwete et Zuma de s’affranchir du passé – aussi glorieux soit-il – de leurs aînés.
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