Une oeuvre volcanique

D’abord poète, le chantre de la négritude s’est voué exclusivement au théâtre de 1956 à 1973. Une manière de mieux faire passer son message.

Publié le 21 avril 2008 Lecture : 2 minutes.

Avec Aimé Césaire disparaît un monstre sacré des lettres francophones. Inventeur et chantre de la négritude avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Guyanais Léon-Gontran Damas, Césaire est l’auteur d’une Âuvre protéiforme qui va de la poésie aux essais, en passant par le théâtre. Mais essentiellement poète, le barde des Antilles s’inscrit dans la descendance des Rimbaud, des Lautréamont, mais également des Mallarmé, des Apollinaire, des Péguy, des Breton et des Saint-John Perse. Il partage avec eux une conception incantatrice et insurrectionnelle de la parole poétique dont son célèbre Cahier d’un retour au pays natal est l’illustration la plus aboutie.
Né d’une crise morale et spirituelle aiguë, le Cahier est le récit de l’acceptation par le poète de sa négritude. Mêlant le « je » et le « nous », le subjectif et le collectif, le poème retrace le parcours initiatique qui conduit le narrateur-récitant du rejet de soi-même, de son histoire (Noir, fils de colonisé, petit-fils d’esclave déporté) et de sa géographie de dominé (« cette ville inerte »), à l’acceptation de sa race. Ce passage du colonial au postcolonial relève véritablement du miracle. Le miracle s’accomplit grâce à la magie de l’écriture qui guide le poète du désespoir à l’espoir, du refus d’assumer le passé de sa race avilie jusqu’à l’affirmation de son identité nègre. Porté par la violence volcanique de l’écriture césairienne, le Cahier a été qualifié par André Breton du « plus grand monument lyrique de ce temps ».
Césaire publie ensuite d’autres recueils de poèmes (Les Armes miraculeuses, Soleil cou coupé, Corps perdu, Ferrements, Cadastre et Moi, laminaire), des essais, dont le plus connu est son Discours sur le colonialisme (1950), mais surtout des pièces de théâtre qui constituent l’autre moment fort de sa longue carrière littéraire.
Entre 1956 et 1973, il se voue quasi exclusivement au langage théâtral avec Et les Chiens se taisaient (1956), La Tragédie du roi Christophe (1963), Une saison au Congo (1966), Une tempête (1969). Considérée comme le chef-d’Âuvre de son répertoire, La Tragédie du roi Christophe est une méditation sur l’histoire caribéenne symbolisée ici par le personnage du roi Christophe, qui a régné sur le royaume d’Haïti après son indépendance, au début du XIXe siècle, et qui meurt de ne pas avoir su conduire son peuple libre vers son destin. Il se fait emmurer debout dans sa citadelle inachevée, emblème de son incapacité à forger la nation haïtienne Cette scène est tout à fait représentative de son écriture dont la force réside essentiellement dans les métaphores à la fois violentes et cathartiques.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires