Qui a tué le commandant Barka ?

Publié le 21 avril 2008 Lecture : 2 minutes.

Tout s’est passé dans la nuit du 10 au 11 avril, près de Kidal, une région frondeuse du Nord-Mali qui, depuis août 2007, est le théâtre d’une nouvelle rébellion touarègue. Membre des Unités spéciales, un corps créé pour les anciens rebelles réintégrés dans l’armée, le commandant Barka Ag Belkheir, accompagné d’un jeune prédicateur, Mohamed Ag Moussa, quitte la ville en direction de l’est.
Tout commandant qu’il est, il n’est théoriquement pas autorisé à se déplacer librement dans cette région placée sous administration militaire en raison de la présence de rebelles irrédentistes, de salafistes d’Al-Qaïda et de trafiquants de tout acabit. Son véhicule ayant été contraint de s’arrêter à un barrage, il montre aux soldats un ordre de mission signé par sa hiérarchie. Aussitôt, il est autorisé à poursuivre sa route. De quelle mission s’agit-il ? On ne le sait pas avec précision.
Barka est un loyaliste, un ex-rebelle qui a refusé de suivre Ibrahim Ag Bahanga, le chef de l’Alliance pour le changement, vitrine politique de la rébellion. Mais sa réputation est sulfureuse. On le dit proche du monde de la contrebande. Certains le présentent comme l’un des médiateurs dans l’affaire des otages autrichiens récemment kidnappés par Al-Qaïda (voir J.A. n° 2464-2465). Pourquoi était-il accompagné d’un prédicateur ? Avait-il un rendez-vous, avec qui et pourquoi ? Mystère, là encore. Seule certitude, obtenir un tel ordre de mission, par les temps qui courent, est exceptionnel
Quelques heures plus tard, les corps du commandant Barka et de son compagnon sont retrouvés à quelques kilomètres de Kidal. Les deux hommes ont été ligotés, criblés de balles, puis égorgés. En quelques minutes, la nouvelle fait le tour de la ville. Craignant pour leur vie, la quasi-totalité des membres des Unités spéciales s’évanouissent dans la nature. La ville se vide de sa population « blanche ».
L’Alliance pour le changement accuse l’armée d’avoir « froidement exécuté un officier tamashek » (touareg, en dialecte local). Mais beaucoup de Touaregs dénoncent le retour du Ganda Koye (les « vrais propriétaires de la terre »), une milice créée au début des années 1990 par les populations sédentaires pour combattre les rebelles du mouvement de l’Azawad. Officiellement, le Ganda Koye a été dissous en mars 1996, mais il est évoqué à chaque montée de l’insécurité dans le Nord-Mali.
Très vite, le gouvernement condamne l’assassinat et met sur pied une commission d’enquête. Mais, pour le président Amadou Toumani Touré, la priorité est de rassurer les populations, qui quittent en masse Kidal pour se réfugier dans des zones plus clémentes. Pour tenter d’apaiser les esprits, une forte délégation est dépêchée sur place. L’armée et les autorités administratives se défendent quant à elles de toute implication dans ce drame. Quant à l’Alliance pour le changement, elle maintient ses accusations et enregistre de précieux renforts. La quasi-totalité des membres des Unités spéciales auraient ainsi fait allégeance à Bahanga. La Sahel est décidément un monde bien compliqué.

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