Goma la martyre

Pris entre le feu du volcan et celui des bandes armées, les 500 000 habitants de la capitale provinciale essaient de vivre normalement, mais gardent la peur au ventre.

Publié le 21 avril 2008 Lecture : 3 minutes.

Après avoir longuement survolé le lac Kivu, le petit porteur se pose sur l’aéroport de Goma. Les passagers, pourtant déjà contrôlés à Buta, sont une nouvelle fois soumis au rituel par les agents de l’Immigration et des Douanes.
Dès l’aéroport, on sent que cette ville n’est pas ordinaire. En guise de comité d’accueil, on passe devant un poste d’observation de la Mission des Nations unies (Monuc) protégé par des sacs de sable. Ces dix dernières années, Goma a été le quartier général de deux rébellions armées et une troisième, toute récente, a tenté de s’en emparer. Dès l’aéroport, on sent qu’ici, la terre, couleur de cendre, a plus que souffert. Sur la route menant au centre-ville, la chaussée est défoncée, trouée d’innombrables nids-de-poule et jonchée de roches noires. Un jour de janvier 2002, le Nyiragongo, le volcan qui domine l’agglomération, s’est brutalement réveillé. Des coulées de lave fumantes, hautes de trois mètres, ont traversé la ville. Bilan : une centaine de morts, près de la moitié de la cité anéantie et des séquelles toujours visibles.
Ces aléas n’empêchent pas les « Gomatraciens » de vivre presque normalement, mais avec la peur au ventre, à cause de l’instabilité entretenue dans la province par différents groupes armés et de l’insécurité grandissante en ville. Les nuits sont toujours aussi animées. Bars et boîtes de nuit déversent leurs décibels, faisant honneur à la réputation du Goma by night d’antan. Des habitants de Gisenyi, ville rwandaise située à 3,5 km du centre de Goma, viennent souvent faire la fête avec leurs voisins congolais. Sur les bords du lac Kivu se dressent de nouvelles constructions appartenant à la classe aisée. Des hôtels et des restaurants fleurissent. Un signe de retour à la normale, qu’un Kinois de passage juge avec admiration : « Alors que partout ailleurs les choses marchent au ralenti, ici les gens ont commencé à reconstruire. C’est un exemple à suivre. » C’est sans doute vite dit. Depuis quelques années, Goma est devenu une plaque tournante du trafic de produits miniers (or, cassitérite, coltan), dont le contrôle échappe aux autorités. Et les 4×4, signes extérieurs de réussite s’il en est, témoignent de la volonté des habitants aux poches pleines de goûter aux plaisirs du temps. Les autres ont le choix entre le minibus et la moto taxi. Mais la ville est loin d’avoir résolu ses problèmes. « Nous n’avons pas d’éclairage public parce que notre alimentation en énergie est insuffisante, explique Julien Paluku Kahongya, gouverneur du Nord-Kivu. Cela nous amène à délester les quartiers à tour de rôle. » Autre problème récurrent, celui de l’insécurité, surtout à Nyabushongo, le quartier hutu, où les personnes tuées par balles ne se comptent plus. « Pendant la Transition, l’un de mes prédécesseurs a distribué des armes à des miliciens pour semer la terreur. Nous essayons maintenant de récupérer cet arsenal. »
Les combats de l’an dernier entre l’armée régulière et les dissidents fidèles au général Laurent Nkunda ont poussé des milliers de personnes à quitter les territoires du Masisi et du Rutshuru pour trouver refuge à Goma. Regroupés dans plusieurs camps à la sortie de la ville, ces déplacés attendent des jours meilleurs. Géré par le Norwegian Refugee Council (NRC), le camp de Bulengo accueille près de 17 000 déplacés. « Nous les encourageons à travailler, confie Omer Kabelu Budibuende, responsable du camp. Ils sont organisés en associations, en fonction du métier qu’ils exerçaient avant guerre. » Chaque mois, ils reçoivent du Programme alimentaire mondial (PAM) 50 kg de farine de maïs, des petits pois, 5 litres d’huile de palme, 500 g de sel par ménage. « Pour avoir de la viande, du poisson ou du riz, explique l’un d’eux, nous sommes obligés de faire du troc avec les gens de Goma. » Malgré leur débrouillardise, les déplacés prient chaque jour pour le retour définitif à la paix, qui leur permettrait de regagner leurs foyers. L’équilibre fragile de Goma en dépend.

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