Comme un air de campagne

Après plusieurs semaines de négociations, la date du premier tour de la présidentielle a été fixée au 30 novembre. Celle du dépôt des candidatures le sera ultérieurement, mais les formations politiques sont déjà en ordre de marche.

Publié le 21 avril 2008 Lecture : 3 minutes.

La vie politique avait repris presque normalement son cours. Notamment au lendemain de la signature, le 4 mars 2007, de l’accord de Ouagadougou. Elle va désormais jouer à plein régime avec l’annonce, le 14 avril, de la date du premier tour de la présidentielle – sans cesse repoussée depuis la fin, en octobre 2005, du mandat du président Laurent Gbagbo – fixée au 30 novembre prochain. Voilà un verrou psychologique qui saute. C’est la première fois qu’on sort des échéances floues qui n’étaient que des postures politiques. C’est la première fois qu’une date est enfin arrêtée. Celles du dépôt des candidatures et de la campagne officielle le seront ultérieurement.
Un Conseil de gouvernement le 13 avril, suivi le lendemain (un dimanche) d’un Conseil des ministres exceptionnel, a permis une telle issue. Et il aura fallu plusieurs séances de travail réunissant, les 12 et 13 avril, les services juridiques de la présidence, le chef de l’État lui-même, son Premier ministre Guillaume Soro, les représentants du secrétaire général de l’ONU, Choi Young-jin, du facilitateur burkinabè, Boureima Badini, et du président la Commission électorale indépendante (CEI).

Une pointe d’inquiétude
Trois projets de textes en sont sortis. Dont deux décrets, le premier fixant les modalités d’établissement des nouvelles listes électorales et le second les termes de la collaboration entre l’Institut national de la statistique (INS, dont la plupart des dirigeants sont réputés proches du camp présidentiel) et la Sagem, l’opérateur français chargé du volet technique des élections, à commencer par l’identification des populations, qui servira à mettre à jour les listes de 2000 et à éditer les nouvelles cartes d’électeur. Cette entreprise, qui n’avait jusqu’alors pu se mettre d’accord avec l’État ivoirien, a fini par le faire pour quelque 66 milliards de F CFA, dont la moitié dès la signature. Voilà qui est réglé après de longues semaines de discussions, le gouvernement ayant inscrit 40 milliards de F CFA au budget 2008 et 26 milliards à celui de 2009.
C’est cher payé aux yeux de nombre de partisans du camp présidentiel, dont certains pensaient que la Sagem n’était ni plus ni moins qu’un stratagème de Jacques Chirac pour leur faire perdre les élections. La preuve : leurs adversaires ne jurent que par cet opérateur privé. Gbagbo, régulièrement traité par ces derniers de « président illégitime » pour être resté au pouvoir sans élection, accusé de plus en plus vivement sur sa volonté d’aller aux urnes, n’a rien voulu entendre et a ramené ses camarades à la raison. Pour « rassurer l’opposition », indiquent aujourd’hui ses amis. Sous une « forte pression internationale », précisent certains de ses contempteurs. Plus certainement pour sortir de la crise par le haut, la porte des urnes.
Une perspective à laquelle l’opposition ne peut que souscrire, même si demeure une pointe d’inquiétude liée au respect de cette échéance, la plus crédible de toutes celles avancées jusqu’ici, bien que les délais – sept mois – soient serrés. On n’en est pas encore là. Mais les principales écuries politiques sont d’ores et déjà en ordre de marche. Le Rassemblement des républicains (RDR) a bouclé son congrès ordinaire en février dernier, entrepris de sillonner le pays et désigné l’ex-Premier ministre Alassane Dramane Ouattara pour défendre ses couleurs. L’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié, le champion du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), multiplie les meetings, dont le dernier en date à Yopougon, dans la proche banlieue d’Abidjan. Le Front populaire ivoirien (FPI) n’est pas en reste. De la fin mars à la fin avril, il a lancé une vaste campagne et mobilisé ses ténors à l’intérieur du pays : Pascal Affi Nguessan, le chef du parti, dans le Nord, Simone Gbagbo, la patronne du groupe parlementaire, dans le Centre, et Mamadou Koulibaly, le président de l’Assemblée nationale, dans le Sud.
Laurent Gbagbo lui-même poursuit ses « visites d’État » : le Nord en novembre 2007, la région d’Adzopé et d’Akoupé en janvier dernier, l’Ouest probablement en mai. Un jeu auquel il excelle. Mais, contrairement à la présidentielle de 2000, il devra cette fois affronter des adversaires autrement plus coriaces.

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