Namibie : Esther Muijangue, première femme à briguer la présidence
Un vent de changement est-il en train de souffler sur la Namibie ? Esther Muijangue, la première femme à y briguer la présidence aux élections de mercredi y croit dur comme fer, déterminée à « rétablir la dignité » de ses citoyens.
Dans sa maison d’un paisible quartier résidentiel de la capitale Windhoek, la candidate, 57 ans, prédit que la crise économique a sonné le glas du règne du parti dirige sans partage l’ancienne colonie sud-africaine depuis près de trente ans.
« Beaucoup de gens se plaignent du gouvernement de la Swapo » (Organisation du peuple du Sud-ouest africain), assure Esther Muijangue, dans la dernière ligne droite de la campagne de son Organisation démocratique pour l’unité nationale (Nudo).
« Longtemps, il y a eu beaucoup d’apathie parmi les jeunes », ajoute-t-elle, « mais aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à nous rejoindre à chaque réunion publique ».
Depuis 1990, ce grand pays comptant environ 2,5 millions d’habitants n’a guère connu que les couleurs bleu, rouge et vert de la Swapo de Sam Nujoma, l’ex-rebelle de la guerre civile vainqueur du premier scrutin démocratique de son histoire.
L’actuel chef de l’Etat Hage Geingob, candidat à un second mandat, a perpétué haut-la-main en 2014 le règne du parti mais son étoile a sérieusement pâli.
Candidate de l’austérité
Malgré ses vastes richesses naturelles, dont l’uranium, ses réserves de poissons et une industrie touristique en plein essor, la Namibie figure au deuxième rang des pays les plus inégalitaires de la planète, selon la Banque mondiale, juste derrière l’Afrique du Sud.
La chute des cours des matières premières et une sécheresse persistante depuis plusieurs saisons ont plongé l’économie dans la récession depuis 2016 et ses finances dans le rouge.
Pour les rétablir, Muijangue prescrit une très sévère cure d’austérité à la tête de l’Etat et une lutte sans merci contre la corruption.
« La Namibie dispose d’assez de ressources pour prendre en charge les besoins essentiels des Namibiens », estime-t-elle, mais « nos dirigeants (…) vendent notre terre, ils vendent notre pays, ils bradent nos mines aux étrangers ».
La tête d’affiche du Nudo ne se berce guère d’illusion. Elle a peu de chance de priver Hage Geingob d’un deuxième mandat. Mais elle compte bien sur son discours pour grignoter son score (87%) obtenu il y a cinq ans.
« Nous espérons beaucoup de miracles cette année », lance la quinquagénaire, persuadée de sa candidature inspirera d’autres femmes à « se rendre compte de leur potentiel ».
Membre de la minorité herero et fille d’un dirigeant politique en exil, Esther Muijangue a, très jeune, appris à défier les vents contraires et les traditions. « Je ne me suis jamais conformée aux normes de ma communauté, où les femmes étaient censées rester à leur place en cuisine ».
L’exigence de réparations
Son programme heurte de pleins fouet nombre de convictions séculaires ancrées dans l’héritage herero. Il prône l’émancipation des femmes, la reconnaissance des droits des homosexuels ou encore la légalisation de l’avortement .
Autant de combats qui « changent leur vieille façon de penser », dit-elle. « Personne ne pensait que j’arriverai là où j’en suis ».
Si elle s’est délibérément démarquée de leurs coutumes, la dirigeante a par contre rejoint le combat engagé par les Hereros pour obtenir réparation des massacres infligés à leur communauté et à celle des Namas par le colonisateur allemand (1884-1915) au tout début du XXe siècle.
Un « génocide », juge-t-elle. Berlin a reconnu sa responsabilité dans les tueries mais répugne encore à indemniser les descendants des dizaines de milliers de victimes.
Esther Muijangue, dont le grand-père était « le produit d’un soldat allemand » et d’une Herero, en a fait un argument très politique. Et reproche à la Swapo de ne pas être assez ferme dans les tractations engagées avec l’Allemagne.
« Nous n’avons pas le soutien du gouvernement namibien », déplore-t-elle, « c’est pour ça que le gouvernement allemand joue aussi facilement avec nous ».
« C’est une question d’importance nationale », insiste l’ancienne travailleuse sociale, « une question de justice sociale ».
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