Bush, Habré et nous
Enquête choc, le 10 avril au soir, sur la chaîne de télévision américaine ABC. Pendant trois années au moins, de 2002 à 2004, une sorte de cabinet de tortures secret a sévi au sein même de la Maison Blanche, à deux pas du célèbre Bureau ovale. Objectif : évaluer, dans le plus extrême détail, les techniques d’interrogatoires les plus à même de faire parler les suspects soupçonnés d’appartenir à Al-Qaïda. Ces réunions aussi clandestines qu’autorisées ne regroupaient pas, comme on pourrait l’imaginer, des officiers de renseignements et des gros bras de la CIA, mais le gratin de l’administration Bush que ce sujet, apparemment, passionnait. Qu’on en juge : Dick Cheney, Condi Rice, Donald Rumsfeld, George Tenet, John Ashcroft et même Colin Powell ! Tout ce beau monde policé de Washington discutant à l’infini des mérites comparés de la simulation de noyade, de la privation de sommeil, du tabassage en règle et de la combinaison de ces trois techniques pour faire avouer les plus récalcitrants. On croit rêver, mais on ne rêve pas. Plusieurs dizaines de réunions de ce type ont eu lieu, dans le but de fournir aux agents de la CIA et du FBI sur le terrain les autorisations légales nécessaires pour pratiquer ces tortures. Selon l’enquête d’ABC, seul l’un des participants, le ministre de la Justice John Ashcroft, a soulevé une objection – purement formelle : « Nous ne devrions peut-être pas nous réunir à la Maison Blanche pour parler de tout cela, a-t-il dit, l’Histoire risque de mal nous juger. » En attendant la sentence, ce type de révélation ôte le peu de crédit qui restait au gouvernement américain (et à son allié britannique) sur le terrain miné des leçons de morale.
P.-S. : Rien (quoiqueÂ) à voir avec ce qui précède, mais il fallait que ceci soit dit. Nous publions dans ce numéro (pp. 30-33) une enquête réalisée à Dakar sur les préparatifs du procès Hissein Habré. Dans ce cadre, notre envoyé spécial a rencontré le ministre sénégalais de la Justice, Madické Niang, en charge du dossier. Ancien avocat d’Habré, Me Niang n’ignore pas qu’il est attendu au tournant sur ce sujet et demande qu’on le juge sur pièces. Dont acte. Mais le ministre doit savoir – et il le sait – qu’il a écrit il y a quelques années dans la presse locale, quand il défendait son dictateur de client, un tract contre Jeune Afrique dont le ton insultant dépassait largement ce qu’un avocat est en droit de dire. Même si nous n’avons pas l’intention d’oublier cet épisode, nous n’attendons pas de Madické Niang qu’il s’excuse, mais qu’il se rachète. En faisant en sorte que les victimes tchadiennes d’Hissein Habré obtiennent enfin la justice qui leur est due.
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