Une question de gestion

Publié le 24 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

La Sécurité sociale assure-t-elle toujours un rôle de protection sociale et a-t-elle à le faire ? C’est la question qui transparaît du vaste chantier visant à réformer le système de santé algérien. Au lendemain de l’indépendance, en 1962, le gouvernement socialiste avait fait de la solidarité un principe fondamental et avait confondu dans un même organisme sécurité sociale et protection sociale. Résultat, aujourd’hui, le système algérien est de ceux qui offrent la couverture la plus large dans le monde : 80 % des salariés, des professions libérales et des travailleurs agricoles en profitent, ce qui représente 6 millions d’assurés sociaux ayant à leur charge quatre personnes, en moyenne. L’État cotise par ailleurs pour tous les « démunis » – étudiants, handicapés et demandeurs d’emploi – afin de leur assurer pareille protection. La Caisse nationale de sécurité sociale (Cnas) et ses filiales prennent en charge, de manière « classique », la maladie, la maternité, les accidents du travail et les maladies professionnelles, les allocations familiales, les retraites et retraites anticipées et les pensions liées aux décès. En 1994, elles ont étendu leur domaine d’implication. Elles versent désormais les allocations de chômage, fournissent une aide aux travailleurs indépendants, aux demandeurs d’emploi et aux entreprises en difficulté, organisent des formations de reconversion et oeuvrent à l’alphabétisation.
Cette protection sociale au sens large ne va pas sans poser un problème de financement. Ainsi, les soins prodigués aux assurés sociaux par les hôpitaux publics ne sont pas payés sur la base de leur coût réel, mais par une allocation forfaitaire versée à ces hôpitaux. Cette enveloppe est passée de 8,6 milliards de dinars (103 millions d’euros) en 1990, à 24 milliards en 2002. Autre sujet de préoccupation, le nombre de retraités a doublé entre 1987 et 1998. Alors que le ratio était de 8 actifs pour un retraité, il est aujourd’hui de 2,5 pour 1. Et le phénomène va aller en s’accentuant : de 6,2 % en 1998, la proportion de personnes âgées de 60 ans et plus va passer à 19 % en 2025, et à 41,5 % en 2050.
Le contexte économique, moins favorable que dans les années soixante-dix et quatre-vingt, implique une nécessaire modernisation du système de santé, qui passe par une révision de la prise en compte des coûts, et par conséquent de la sécurité sociale dans son ensemble, appelée à dépenser mieux, et non pas moins. Ce qui signifie que la sécurité sociale doit désormais payer sur la base des coûts des services de santé qui sont offerts à ses assurés. Il faut, pour aller dans le même sens, régler les relations avec les cliniques privées. Un malade soigné dans de tels établissements peut être pris en charge par la Cnas, quand les deux organismes ont préalablement signé une convention. Cela signifie aussi qu’il faut engager des efforts pour supprimer progressivement les transferts des malades à l’étranger (dont le coût a été de 2 milliards de dinars en 2002), et un mode de remboursement favorisant la consommation de médicaments génériques. Enfin, cela induit une meilleure gestion, par l’instauration d’un système de contractualisation. « Les assurés sociaux seront toujours protégés dans les hôpitaux. La modernisation est une affaire entre la sécurité sociale et les hôpitaux », dit-on. La réforme du système de santé algérien n’a donc pas pour but d’abandonner le rôle de protection sociale qui lui est dévolu, mais tend, au contraire, à le rationaliser pour assurer sa pérennité. Cette déclaration d’intention n’empêche pas les Algériens d’y voir la première étape d’une réforme assimilable à celles préconisées ailleurs dans le monde par la Banque mondiale, qui consiste à bannir tout déficit de la « machine ».

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