Réduire les importations

La production algérienne, en progression, couvre toujours moins de la moitié des besoins du pays. Et les opérateurs étrangers sont instamment priés d’investir.

Publié le 24 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

L’Algérie est en train de rattraper son retard en matière de fabrication de médicaments. Mieux : elle voit grand. En témoigne l’entrée en production de trois usines coup sur coup, l’an dernier, dans le cadre d’un partenariat entre Saidal, leader algérien du secteur, et des groupes internationaux de renom. Avec Pfizer, la première compagnie pharmaceutique mondiale, Saidal produit des anti-inflamatoires, des antibiotiques, des antifongiques, des antiparasitaires, des hypotenseurs et des antidépresseurs. L’investissement dans Pfizer-Saidal-Manufacturing (PSM) à Dar el-Beida (banlieue d’Alger) se monte à 20 millions de dollars (18,6 millions d’euros). Avec la française Aventis, l’un des grands groupes mondiaux, la firme algérienne produit des antalgiques, des antibiotiques et des hypotenseurs. L’investissement dans Aventis Pharma Saidal (APS), basée à Oued Smar, est de l’ordre de 10 millions de dollars. Enfin, avec la multinationale arabe Dar Eddawa, elle produit, dans une unité de plus petite dimension, six collyres et des gouttes nasales. L’investissement dans Joras Pharmaceutical, à Gué de Constantine (Alger), est de 90 millions de dinars algériens (1 million d’euros).
Après l’échec d’un projet qui était en discussion avec les Danois de Novo-Nordisk et les Français de Pierre-Fabre, Saidal s’est engagée à réaliser une usine de production d’insuline à Oued Aissi. L’investissement est composé à 100 % de capitaux algériens, et les laboratoires Eli-Lilly (États-Unis) fournissent une assistance technique et scientifique. L’usine devrait être prête à la fin de cette année. Plusieurs autres compagnies, saoudiennes, jordaniennes, cubaines (pour la fabrication de vaccins et de dérivés de sang), françaises et indiennes, se préparent à investir en Algérie – ou l’ont déjà fait – avec des partenaires locaux.
Tout cela est le fruit d’une politique du médicament engagée en 1997. Cette politique faisait suite à la prolifération des opérateurs privés et à l’installation massive de représentations commerciales de grands laboratoires étrangers depuis l’abolition du monopole sur les importations de médicaments, en 1989. Au total, le pays abritait quelque cent vingt importateurs. Pour faire le « ménage », le ministère de la Santé a alors donné un délai de vingt-quatre mois pour investir en Algérie, sous peine de se voir retirer leur autorisation d’exercer. Sur les cent vingt sociétés concernées, seules trente-quatre ont présenté des projets d’investissement : cinq pour la production de médicaments, les vingt-neuf autres pour leur conditionnement… Et encore, les autorités se sont-elles rendu compte en 2000 que parmi ces dernières, certaines se contentaient de faire de la mise en boîte. Il leur a donc été demandé de présenter des projets de fabrication susceptibles d’apporter une valeur ajoutée au pays. Entre novembre 2001 et novembre 2002, le ministère a suspendu pas moins de soixante-dix importateurs qui n’avaient pas répondu sérieusement à ses attentes.
« Ceux qui pensent faire avec l’Algérie de la facturation et de la simple vente sans avoir à y investir ont très peu de chances de réussir, nous explique Mohamed Nibouche, directeur de la pharmacie et des équipements au ministère de la santé. Nous continuerons à lier cette condition d’investir à l’importation. Nous n’hésitons pas à encourager l’investissement extérieur et le partenariat, mais nous voulons des investisseurs de qualité, dans des produits très haut de gamme. Notre objectif est d’atteindre une autosuffisance de l’ordre de 70 % pour les médicaments dits essentiels. Le reste peut être importé, comme partout dans le monde. » Et l’enjeu est de taille : en 1998, la production locale ne couvrait que 20 % des besoins de l’Algérie en médicaments. Ce pourcentage se situe aujourd’hui autour de 40 %, dont la quasi-totalité (95 %) est assurée par… Saidal. Reste que la facture des importations s’est tout de même montée à 500 millions de dinars en 2001. Pour réduire l’addition, l’accent est mis sur la promotion des médicaments génériques, moins chers, dont l’utilisation a progressé mais demeure en deçà des attentes. Certes, la part des achats de génériques dans le budget de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), qui est de l’ordre de 5 milliards de dinars, est passée de 40 % à 80 % en valeur entre 1997 et aujourd’hui. C’est un bon bilan pour la PCH, car cela signifie qu’avec la même somme l’organisme a pu acheter plus de médicaments et donc mieux fournir les hôpitaux. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas eu à souffrir des habituelles pénuries cette année.
Mais la promotion des génériques se heurte à des difficultés. Le gouvernement a beau avoir fixé en juin 2001 le remboursement des assurés sociaux au tarif de référence le plus bas, l’efficacité de cette mesure auprès des consommateurs n’est pas évidente. « L’idée, c’est d’inculquer une culture permettant de résister à la pression des grandes sociétés qui ont des moyens colossaux, des moyens visibles et invisibles, pour influencer l’achat de leurs médicaments dont le coût n’est pas toujours très raisonnable, souligne un haut fonctionnaire. Il faut que tous les intervenants de la chaîne – l’acheteur, les prescripteurs, les distributeurs, les importateurs, l’officine, l’organisme qui rembourse – parlent d’une même voix pour qu’on puisse espérer des résultats. Mais on ne peut pas faire une révolution dans un secteur sensible, où il ne faut surtout pas créer ni panique ni pénurie. Car, encore une fois, les grandes sociétés et les grands importateurs disposent de moyens colossaux, de nature à accompagner, à combattre ou à déstabiliser une politique de ce genre. » s

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