Quand le dialogue s’enlise…

Les négociations entre le gouvernement et les partenaires sociaux ont repris. Mais la méthode consistant à aborder de front tous les problèmes ne facilite pas forcément les choses.

Publié le 24 avril 2003 Lecture : 4 minutes.

En engageant le « dialogue social » avec la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM, l’organisation patronale) et les trois principaux syndicats ouvriers, le Premier ministre Driss Jettou entendait ne laisser dans l’ombre aucune des grandes questions du moment. Le moins que l’on puisse dire est que la chose ne s’annonce pas aisée. Le troisième round des négociations s’est ouvert le 8 avril et cinq commissions ad hoc ont été constituées.
La première se consacre au code du travail, à la loi sur le droit de grève et aux libertés syndicales ; la deuxième au dossier, non moins épineux, de la couverture médicale généralisée, la fameuse Assurance maladie obligatoire (AMO) ; la troisième aux modalités des élections des délégués du personnel et des représentants des salariés ; la quatrième aux salaires et aux indemnités ; et la cinquième, enfin, aux conflits sociaux, le gouvernement étant censé arbitrer un certain nombre de litiges dont les grandes entreprises sont le théâtre. Contrairement aux quatre autres, qui sont supervisées par la primature, cette dernière commission est placée sous l’autorité de Mustapha Mansouri, le ministre de l’Emploi, des Affaires sociales et de la Solidarité.
Historiquement, les trois principaux syndicats du pays sont plus ou moins directement liés aux partis politiques. L’Union marocaine du travail (UMT), qui revendique 700 000 adhérents, représente ainsi la base ouvrière de l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Et l’Union générale des travailleurs marocains (UGTM), 673 000 adhérents, est affiliée à l’Istiqlal, le grand parti conservateur. Quant à la Confédération démocratique du travail (CDT), 300 000 membres revendiqués, elle était, jusqu’en septembre 2002, l’émanation de l’USFP. Mais Noubir Amaoui, son bouillant patron, a claqué la porte du parti pour se présenter aux élections législatives. Constituée à la hâte, sa formation a d’ailleurs subi une véritable déroute : un seul siège au Parlement.
Du coup, l’USFP s’est empressée de lancer une nouvelle organisation, la Fédération démocratique du travail (FDT), dont le congrès constitutif s’est tenu le 4 avril à Bouznika, à une trentaine de kilomètres de la capitale. Les treize membres élus du bureau exécutif ont, neuf jours plus tard, désigné un secrétaire général en la personne de Tayeb Mounchid, un militant de la première heure de la CDT. De nombreux membres de ce dernier syndicat ont d’ailleurs fait défection pour rejoindre la nouvelle centrale. Selon toute apparence, Abderrahmane Youssoufi, l’ancien chef du gouvernement d’alternance, qui reste secrétaire général de l’USFP, va insister auprès de son successeur pour que la FDT soit rapidement associée au dialogue social en cours. L’ennui est que, dans cette hypothèse, la CDT risque de s’en retirer. Une difficulté supplémentaire en perspective…
Car les dossiers en suspens sont loin d’être simples. La preuve, les négociations durent depuis des années. En avril 2002, Youssoufi avait réuni les partenaires sociaux pour tenter de donner une nouvelle impulsion au dialogue, mais les négociations n’avaient pas abouti. Une deuxième rencontre devait avoir lieu le mois suivant, mais l’ex-Premier ministre avait pris tout le monde de court en présentant devant le Parlement, sans consultation préalable, son projet d’Assurance maladie obligatoire, provoquant une levée de boucliers chez les syndicalistes. Résultat : Youssoufi a transmis la « patate chaude » à son successeur sans avoir rien réglé.
Il a fallu attendre la mise en place du nouveau gouvernement pour que le dialogue soit relancé. La méthode Jettou n’est d’ailleurs pas très différente de celle de son prédécesseur. Au mois de janvier, des réunions préliminaires ont eu lieu avec les représentants des syndicats (UMT, CDT et UGTM) afin de mettre au point une méthode de travail. Pour sa part, Jettou souhaitait s’attaquer en priorité aux « problèmes considérés comme faciles », les autres étant traités ultérieurement « selon leur degré de complexité ».
Mais cette hiérarchisation des priorités ne semble pas avoir été respectée : lors du second round des négociations, au mois de mars, puis à nouveau lors du troisième, tous les problèmes sont abordés de front, ce qui ne manque pas de créer une certaine confusion. Rien n’aurait-il donc changé depuis l’époque Youssoufi ? Qu’il s’agisse de l’Assurance maladie obligatoire, du droit de grève, du projet de révision du code de travail, de l’âge de la retraite ou du montant des indemnités en cas de perte d’emploi, l’approche se veut plus « pragmatique » et « méthodique », mais n’en demeure pas moins un peu brouillonne et sans grande visibilité. Les commissions tripartites se sont donné un délai de trois semaines pour rendre publics les résultats des négociations. Ce sera pour le 1er mai, jour de la fête du Travail. Mais d’ores et déjà, certains annoncent que rien ne sera prêt avant « le début de l’été ». Le traitement de très épineux dossiers va donc, une nouvelle fois, être remis à plus tard.

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