Pillages sacrilèges

Publié le 23 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

«Des dizaines de milliers de fragments éparpillés sur le sol, c’est tout ce qui reste des inestimables richesses du musée de Bagdad. Les pillards sont allés de salle en salle et de vitrine en vitrine, et ont jeté à terre systématiquement les statues, les amphores et les vases des Assyriens et des Babyloniens, des Sumériens, des Mèdes, des Perses et des Grecs.
« Nous foulions au pied les débris d’objets d’art vieux de 5 000 ans qui avaient survécu à tous les sièges de Bagdad, à toutes les invasions de l’Irak pour être détruits le jour l’Amérique venait « libérer » la ville. Et les coupables, c’étaient des Irakiens. Ils se sont attaqués à leur propre histoire, détruisant matériellement les preuves des milliers d’années de civilisation de leur pays.
« Jamais, depuis que les talibans se sont lancés dans leur rage destructrice contre les bouddhas de Bamiyan et les statues du musée de Kaboul, jamais, peut-être, depuis la Seconde Guerre mondiale, on n’avait vu autant de trésors archéologiques aussi systématiquement fracassés. »
Ces lignes ont été écrites par un témoin direct, Robert Fisk, l’envoyé spécial en Irak du quotidien britannique The Independent. Il était sur place quelques heures après le passage des pillards. Personne, dit-il, n’a la moindre idée de ce qu’ils ont détruit ou volé. On ignore, par exemple, le sort des bas-reliefs assyriens du palais royal de Khorsabad ou des boucles d’oreilles en or vieilles de 4 500 ans qu’on enterrait avec les princesses sumériennes.
Les archéologues anglais se sont émus de ce qu’ils qualifient de « tragédie ». « Protéger le ministère du Pétrole et laisser détruire le musée archéologique, voilà l’attitude de la coalition américano-britannique à l’égard du patrimoine culturel », s’indigne Alex Hunt, conservateur du Conseil britannique de l’archéologie.
Les archéologues rappellent que la Convention de La Haye de 1953 fait obligation aux parties en guerre de protéger le patrimoine culturel du lieu du conflit, mais que les États-Unis et la Grande-Bretagne ne l’ont pas signée. Il y a moins de trois mois, pourtant, des archéologues américains avaient été reçus au Pentagone et avaient attiré l’attention des autorités militaires sur « la probabilité des pillages des sites historiques », donnant même une liste de quelque cinq cents sites menacés.
Le quotidien The Gardian publie un texte dénonçant le laisser-faire de la coalition face aux pillages d’oeuvres d’art : il y en a eu aussi à Mossoul. Les archéologues protestent également contre les pressions exercées aux États-Unis en faveur d’un « assouplissement de la législation protégeant l’héritage culturel irakien » qui interdit la vente d’oeuvres à l’étranger.
Il existe déjà des réseaux de contrebande très organisés avec des contacts à l’intérieur de l’Irak qui s’intéressent à des objets répondant à des « commandes » de trafiquants acoquinés avec des collectionneurs. Et une fois que les pièces sont sorties d’Irak, il est pratiquement impossible de les retrouver.

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