« Les Burundais ont déjà perdu beaucoup de temps »

Vice-président burundais et prochain chef de l’État (le 1 er mai)

Publié le 24 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Avez-vous un jour douté que
Pierre Buyoya refuse de quitter son poste ?
DOMITIEN NDAYIZEYE : Non, jamais. Même s’il a répété qu’il ne
voulait pas partir, il lui était difficile de rester. Et grâce aux accords
d’Arusha d’août 2000, tout était bien balisé. Il a fait son devoir, et je
n’ai jamais eu d’appréhension particulière à ce sujet.
JAI : La désignation du vice-président prend une allure de crise
et divise la famille tutsie
Ce n’est pas une crise, c’est une compétition et c’est tout à fait
normal. J’ai aussi connu cela à Arusha quand il a fallu se porter candidat
à ce poste.

JAI : Avez-vous une préférence ?
DN : Bien sûr ! Mais je ne peux pas la dévoiler. En tout cas, il faut
quelqu’un qui soit aussi coopératif que je l’ai été pour le président
Buyoya. Un homme de compromis qui rassure les deux camps politiques,
qui soit capable de se hisser au-dessus de sa propre famille
politique.

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JAI : Qu’est-ce que ça représente personnellement pour vous d’accéder
DN : aujourd’hui à la tête de votre pays ?
Je suis content, car nous nous relançons sur le chemin de la
démocratie, tracé par les Burundais lors du référendum de 1992.
Pour moi, la grande priorité est de réussir à mettre en place les prochaines
élections. Après l’adoption d’une nouvelle Constitution par
référendum, nous serons enfin entrés dans une vraie démocratie.

JAI : Les divisions ethniques ne sont-elles pas un obstacle à
l’avènement de cette démocratie ?
DN : La réalité de notre histoire a fait que les gens se sont entretués
sur des bases d’appartenance ethnique. Mais il faut corriger ses
tares, en regardant objectivement qui a été l’objet de ces massacres.
Notre pays a vécu une période où personne n’avait le droit de dire s’il
était hutu ou tutsi, mais cela n’a pas empêché que des Hutus ou des
Tutsis soient tués pour ce qu’ils sont. Nous avons estimé qu’il fallait
appeler les choses par leur nom et, ensuite, travailler dans un esprit
nationaliste. Cela doit faire de nous des Hutus et des Tutsis, avant
tout burundais.

JAI : Mais comment, dans ces conditions, échapper à un vote
ethnique aux prochaines élections législatives ?
DN : C’est prévu dans les accords d’Arusha, car les divisions sont là et
on ne peut pas les nier. Nous allons faire des listes mixtes. Parmi les
trois premiers candidats de chaque liste, au moins deux seront d’ethnies
différentes. C’est une sorte d’affirmative action à la burundaise.

JAI : Vous êtes donc résolument optimiste
DN : Vous savez, j’ai adhéré au Frodebu [Front pour la démocratie
au Burundi, parti hutu] à un moment où nous nous battions pour la
démocratisation du régime. Depuis le début des années quatrevingt-
dix, nous sommes inexorablement entrés dans cette voie, et
personne ne pourra arrêter ce mouvement. Combattre un peuple,
c’est possible, mais le vaincre a toujours été impossible. Tous les
Burundais se rendent compte aujourd’hui qu’ils ont perdu beaucoup
de temps.

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