La logique de l’homme blanc

Publié le 24 avril 2003 Lecture : 2 minutes.

« Pourquoi démolir si c’est pour reconstruire » ? C’est la question, pleine de bon sens, que m’a posée l’autre jour au téléphone mon oncle Bossou. Accro du transistor, le vieil homme, qui n’a jamais quitté son village, dans le centre du Bénin, avoue ne pas toujours comprendre « la logique de l’homme blanc ». Et nous donc ! Pourquoi démolir si c’est pour reconstruire ? Question terrible, à laquelle je n’ai pas (encore) trouvé de réponse. Il y a, en effet, quelque chose d’illogique, de surréaliste et d’indécent à vouloir, après l’avoir bombardé, « reconstruire » l’Irak, qu’on aurait certainement pu débarrasser de Saddam Hussein sans avoir à le soumettre à un déluge de feu. La remarque vaut, bien entendu, pour les Américains et les Britanniques, tombeurs du dictateur, mais aussi pour tous ceux qui, rétifs ou opposés à la guerre, se pressent désormais au portillon pour profiter des retombées financières de cette fameuse « reconstruction ».
Mais qui, donc, redonnera vie aux victimes innocentes de cette folle entreprise ? Qui reconstituera ces oeuvres d’art multiséculaires, patrimoine de l’humanité, dérobées dans les musées de Bagdad par des pillards ? L’Irak, me direz-vous, a plus de chance que le Zimbabwe, qui attend toujours, plus de vingt ans après sa libération, l’argent promis par les Britanniques pour sa reconstruction. Ou l’Angola, qui émerge avec peine d’un conflit meurtrier entretenu, des décennies durant, par Russes et Occidentaux. Mais tout de même ! Généralement, on améliore ce qui existe, on parfait les infrastructures, on va du moins vers le plus. Mais démolir pour reconstruire après une guerre qui aura coûté – en trois semaines – 20 milliards de dollars, c’est-à-dire trois fois plus qu’il n’en faut à l’ONU pour « contenir » et lutter plus efficacement contre l’expansion du sida en Afrique ?
On a d’autant plus de mal à comprendre la logique de George W. Bush, de Tony Blair et de ceux qui espèrent prendre le train en marche que, pour être un gros producteur de pétrole, l’Irak n’en est pas moins un pays en voie de développement. Qui, même par vent calme, a besoin d’infrastructures, d’équipements, d’hôpitaux, d’écoles. Au sortir de la guerre, cet autre « berceau de l’humanité » est retourné à l’âge de pierre…

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