L’Afrique à la traîne

Faute de financements, le continent demeure le maillon faible de l’effort mondial de lutte contre les stupéfiants.

Publié le 23 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Dans son combat contre l’abus, la production et le trafic de stupéfiants, le continent manque de financements. « Si je pouvais lui doubler notre aide et la porter à 10 millions de dollars d’ici à 2005, l’Afrique ne serait plus le maillon faible de l’effort mondial de lutte contre les stupéfiants », assure Koli Luc Kouame, conseiller pour l’Afrique du bureau de l’ONU chargé du contrôle des drogues et de la prévention du crime (United Nations Drug Control Programme, UNDCP).
La 46e session ministérielle de la commission sur les drogues (Commission on Narcotic Drugs, CND), qui s’est tenue à Vienne (Autriche) les 16 et 17 avril, a laissé un goût d’inachevé chez la plupart des délégations africaines présentes. « Aucun vrai débat n’a eu lieu, regrette Kili Fagnidi Fiacre Adam, secrétaire général du comité interministériel de lutte antidrogue pour la Côte d’Ivoire. Sur 124 pays invités, seuls 14 étaient africains. Malgré la première participation du Cameroun et du Tchad à ce type de réunion, la mobilisation est encore loin de suffire pour nous faire entendre. »
Lorsque la déclaration ministérielle de clôture a été présentée aux délégations africaines la semaine précédant la réunion – une pratique courante -, le texte n’incluait « aucun des plans d’action décidés en mai 2002 par les 34 ministres de l’Union africaine (UA), lors de leur réunion à Yamoussoukro pour lutter contre la drogue », proteste Kili Fagnidi. Aux oubliettes, « le financement des conflits armés en Afrique avec l’argent du chanvre, la dépendance des enfants-soldats à la drogue, ou encore l’addiction grandissante des femmes africaines aux stupéfiants ». De sources diplomatiques, la rédaction du document concluant la session de Vienne a été l’objet d’une entente, « sans autre possibilité de discussion », entre l’ambassadeur du Zimbabwe et les autres représentants africains en poste dans la capitale autrichienne.
Au coeur des préoccupations, de Rabat à Nairobi, en passant par Dakar, Abidjan et Lagos : le cannabis. « Tous les pays africains produisent, consomment et exportent une drogue, remarque Kouame. L’Europe est la première destination du cannabis africain, mais les échanges intraétatiques sont évidents. » Le marché du cannabis et de l’héroïne n’a certes pas encore explosé, mais il se développe surtout dans les milieux urbains et portuaires. Les drogues synthétiques, comme les amphétamines, font aussi leur apparition, notamment en Afrique de l’Ouest et dans la partie australe du continent. Aujourd’hui, 95 % des États africains ont signé les conventions internationales, et la plupart d’entre eux ont mis en place une politique de lutte anti-drogue à l’efficacité encore relative. « Malgré nos efforts, les carences sont multiples et handicapantes », souligne Ababacar Diop, secrétaire général du comité interministériel de lutte antidrogue sénégalais. Manque de moyens humains et techniques pour mieux contrôler les frontières et organiser des campagnes de prévention, absence de structures adaptées à la prise en charge des toxicomanes, insuffisance d’études chiffrées…
« La dépendance des États africains vis-à-vis de leurs bailleurs de fonds, aux premiers rangs desquels se trouvent l’ONU et l’Union européenne, partisans de la « tolérance zéro », les empêche de mener une politique antidrogue efficace », constate, pour sa part, Guillaume Fournier, du Senlis Council. Ce « cercle de réflexion » – composé d’experts, d’universitaires, d’ONG et d’hommes politiques européens – a tenu à Vienne un contre-sommet qui prône une approche différente de la lutte contre les stupéfiants, avec un assouplissement des lois prohibitives et un accès facilité aux soins pour les toxicomanes.

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