Kaki Business

Publié le 25 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Tout le monde sait que les industriels américains se bousculent au portillon pour reconstruire ce que leurs compatriotes en uniforme viennent de détruire en Irak : routes, ponts, lignes électriques à haute tension, écoles, hôpitaux, habitations, etc. On sait aussi que le vertigineux pactole de la reconstruction devrait avoisiner les 10 milliards de dollars par an, sur trois ans, et que l’Usaid, l’Agence américaine pour le développement international, a depuis longtemps choisi les principaux bénéficiaires de l’opération, au nombre desquels, bien sûr, ne figure aucune société étrangère, fût-elle britannique. Souveraine ingratitude… Mais on sait moins que l’armée américaine est aujourd’hui partiellement privatisée et que, sans le concours fort bien rémunéré des Private Military Companies (PMC), elle aurait été dans l’incapacité de multiplier les interventions à l’étranger, comme elle l’a fait depuis 1991. D’autant que, dans le même temps, ses effectifs ont été amputés d’un tiers.
La nouvelle doctrine est, en gros, la suivante : les militaires se concentrent sur leur mission originelle – le combat – et abandonnent le reste, tout le reste, au privé. Sachant que, dans un conflit moderne, les combattants proprement dits ne représentent guère plus de 20 % des effectifs engagés, on mesure l’ampleur du marché. En 2003, compte non tenu de la guerre en Irak, le Pentagone avait prévu d’allouer 30 milliards de dollars, soit 8 % de son budget, aux différentes PMC. Comme l’explique le magazine Fortune, les domaines d’intervention de ces dernières sont fort variés. Ils vont de l’intendance classique (nourriture, blanchisserie, acheminement du courrier, collecte des ordures ménagères), à la maintenance des matériels (véhicules blindés, avions, etc.), en passant par le recrutement des officiers, la prise en charge des réfugiés, la conception de programmes informatiques, la formation de militaires étrangers voire la définition de doctrines militaires à l’intention des responsables politiques.
Une poignée de PMC, presque toutes dirigées par d’anciens officiers supérieurs ou d’anciens hauts fonctionnaires du ministère de la Défense, monopolisent le marché. Parmi elles, les sociétés Dyn Corp., Cubic, ITT, MPRI et KBR. Cette dernière est une filiale du groupe pétrolier Halliburton, qui, à l’instigation du vice-président Dick Cheney, son ancien patron (jusqu’en 2000), contribue généreusement au financement des campagnes électorales du Parti républicain, en général, et de George W. Bush, en particulier. Ce même groupe avait par ailleurs été désigné par l’Usaid, à travers une autre de ses filiales, Kellog Brown & Root, pour remettre en service les puits de pétrole irakiens. Devant le tollé suscité par ce « conflit d’intérêts » caractérisé, l’affaire ne s’est finalement pas faite.
Depuis dix ans, les PMC ont eu l’occasion d’intervenir dans le monde entier : des Balkans, (Croatie, Bosnie, Macédoine) à la Colombie, où elles jouent un rôle essentiel dans la guerre contre les barons de la drogue, en passant par l’Afghanistan (c’est Dyn Corp., par exemple, qui assure la protection du président Hamid Karzaï). Et il va de soi qu’elles sont massivement présentes en Irak : 10 % des hommes et des femmes engagés sur le terrain sont employés par une entreprise privée, contre seulement 1 % en 1991.
Reste que cette évolution, à bien des égards inéluctable, pose, comme le souligne encore Fortune, un certain nombre de problèmes juridico-moraux. Les militaires privés ont-ils le droit de porter des armes ? Peuvent-ils, le cas échéant, être considérés comme des prisonniers de guerre protégés par les Conventions de Genève, ou, en cas de refus, d’assurer leur mission, comme des déserteurs ? Autant de questions pour l’instant sans réponse.

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