« Dieu me garde de votre dieu »

Publié le 24 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

D’abord une prière : en Dieu je me préserve (A’ûzu billah…, pour les arabophones) contre la silhouette de ce Dieu sans âme, hideux et vengeur, mesquin et surtout si peu intelligent que Mohamed Talbi veut invoquer pour me déclarer désislamisé. J’en évoque et invoque un autre que Mohamed Talbi ne peut, hélas ! connaître. Le connaîtra-t-il jamais, que mon Dieu le garde, avant que, devant Sa Face de Lumière, il n’ait honte de ses propres pensées de brume ? Car comment l’éminent professeur du bon temps jadis, quand je n’étais que l’élève de ses élèves, oublie-t-il qu’il n’est pire blasphème que celui dont le proférant se substitue au « Savant de l’Insu comme de l’Attesté » (‘Alimu l-Ghaybi wa ch-Chahâda) pour distribuer ou retenir les « chèques du repentir » (çikk at-tawba), comme aurait dit à Mohamed Talbi, rieur et cinglant, le grand classique arabe Ma’arrî, dont notre mufti autoproclamé a oublié le gai savoir ?
Comment, vous, Mohamed Talbi, à qui il est arrivé d’élaborer des choses sur l’islam aussi propres et lisses que des dissertations de concours général, comment allez-vous vous prémunir, déjà ici-bas, contre les milliers parmi ces « islamisés » de bonne et juste foi qui me connaissent et qui ne manqueront pas, à vous lire, de penser à la haute éthique de ce passage du Coran que vous transgressez si impudemment : « Ô vous qui avez la foi, si un pervers vous rapporte une nouvelle, vérifiez ! Sinon, peut-être blesseriez-vous par ignorance un autre homme de foi, et vous en porterez alors le remords. » À votre place, et si vous vous décidez enfin (ce n’est jamais trop tard, vous savez !) à vous en remettre au même Dieu du Coran que moi, à votre place, dis-je, j’entreprendrais sans tarder une diète d’expiation (çawm al-kaffara).
Voici ce qu’il convient d’opposer à votre tentative de m’excommunier, de m’exclure d’une patrie spirituelle, l’islam, que je vénère, sers et défends dans mes modestes démarches et travaux, entre autres et précisément contre les inquisiteurs et les maniaques de l’excommunication.
Rapidement et pour le restant de vos propos – cela ne mérite guère plus qu’un survol -, je répondrai à votre essai de me lire et aux chétives critiques auxquelles vous êtes parvenu, en comptant avec les outils que vous ne possédez pas ou que vous avez pu fréquenter en amateur :
Tous ces outils et bien d’autres qui autorisent une lecture du Coran un tant soit peu digne de l’incommensurable auteur, je les maîtrise. Mes maîtres et mes pairs à la Sorbonne puis à la prestigieuse EHESS me l’ont reconnu, et cela me suffit et suffit au lecteur de ces colonnes pour vous confondre du délit d’agression débitée. Quant aux nombreux volumes que vous avez sans doute tant admirés, alignés sur vos rayonnages de bibliothèque, ceux de l’exégèse islamique, ceux de Tabarî, Ibn Kathîr, Qurtubî, Ben Achour, etc., je les ai, feuille après feuille, étudiés, crayon à la main depuis l’âge où je fréquentais mon bon vieux Bled, le bon vieux manuel d’orthographe de nos amours enfantines et francophones. Sur les épars points de fond que lourdement vous avez soulevés, je ne puis, cher Monsieur, décemment et utilement vous répondre sans être par trop didactique !
Maintenant, et tout cela étant dit, je reste malgré tout prêt à oublier vos écarts et votre peu de respect du savoir quand il n’est pas le vôtre. J’estime l’aîné que vous êtes et serai heureux, si vous changez ce ton si peu socratique du « sachant tout », de reprendre avec vous un échange où votre expérience ne manquera pas de m’enrichir.

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