Des cadres africains dans les ambassades françaises

Ancien ambassadeur au Burkina, Gérard Simon interpelle le ministrefrançais de la Coopération et de la Francophonie, Pierre-André Wiltzer.

Publié le 24 avril 2003 Lecture : 3 minutes.

Monsieur le Ministre, vous avez déclaré à plusieurs reprises, avec force et conviction, lors de vos récents périples en Afrique francophone, que nous assistons « au grand retour de l’Afrique sur la scène mondiale, retour qui coïncide avec une nouvelle volonté politique de la France ». Et vous avez ajouté que, désormais : « Un nouveau partenariat avec l’Afrique doit se substituer à l’assistance. »
Nous voici donc, selon vous, à l’aube d’une ère nouvelle, cinquante ans après les indépendances. Certes, il n’est jamais trop tard. Nommé en mai 2002 et libéré de la cohabitation, le gouvernement auquel vous appartenez a affirmé vouloir entamer un dialogue rénové et « reprioriser » l’Afrique. Le président Jacques Chirac s’en est fait l’avocat en maintes circonstances et, dans cette perspective, il s’est engagé à porter l’aide publique française de 0,32 % à 0,5 % du RNB (Revenu national brut) d’ici à cinq ans.

De fait, nous avons entrepris de construire avec l’Afrique francophone un espace culturel et politique spécifique. Il convient donc que l’impulsion donnée se traduise dans les faits d’une manière plus significative et convaincante pour nos partenaires, quelque peu blasés par de sempiternels et évanescents discours. À cet égard, le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, désireux de rénover le volet « coopération » de la politique africaine française a déclaré : « Je souhaite que soit menée une grande réflexion autour de la politique de coopération. »
Aussi, afin de nourrir cette réflexion, je crois qu’il serait tout à fait opportun, le moment étant venu, de faire participer de jeunes diplômés africains, au sein des services français, à toutes les phases de la conception, de la décision, de la gestion des projets de développement de leur pays. Car, je ne sais si vous en avez bien conscience, la France est le seul, je dis bien le seul, de tous les bailleurs de fonds en Afrique francophone qu’ils soient bi- ou multilatéraux, à ne pas pratiquer, au quotidien, la cogestion, la coresponsabilité dont nous nous faisons l’apôtre. Toutes les ambassades occidentales, comme celles des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, de l’Allemagne, etc., ainsi que les représentations diplomatiques de tous les organismes internationaux ont engagé de jeunes cadres africains. Pour ce qui nous concerne, seuls les chauffeurs, plantons, standardistes et en général le personnel d’exécution sont de recrutement local. Nous en sommes donc encore dans une posture post-coloniale qui nous singularise.

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Certes, tous vos prédécesseurs ont déjà entendu ce langage et s’y sont, a priori, montrés accessibles. Mais rien n’est jamais advenu. Car ils ont manifestement, comme vous semblez l’être, été impuissants à exercer sur leur administration les orientations nécessaires en raison des pesanteurs corporatistes s’opposant à tout changement. À cet égard, le rattachement du ministère de la Coopération à celui des Affaires étrangères, qui a été si profitable aux agents de la Rue Monsieur en termes d’avantages de carrière, n’a modifié en rien cet état d’esprit. Or le retentissement et la signification de ces recrutements, conduits avec toutes les mesures de prudence contractuelle qui s’imposent, seraient à la mesure des ambitions de renouveau que vous affichez et que nos partenaires africains attendent depuis longtemps. J’ajoute, qu’outre la symbolique et l’efficience, cette participation de jeunes diplômés nationaux se traduirait par des gains sensibles au niveau de la masse salariale affectée aux projets de développement. Le prix de la rémunération mensuelle d’un cadre expatrié étant dans la proportion de l’ordre de un à dix par rapport à celle d’un diplômé d’études supérieures de recrutement local.
Cette proposition s’inscrivant dans le droit fil de la volonté de renouveau exprimée par le gouvernement, j’ose espérer que vous voudrez bien la retenir et la traduire dans les faits.

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