Sharon for ever

Un sondage du quotidien « Ha’aretz » le confirme : en dépit de son âge (77 ans), le Premier ministre a encore, politiquement, de beaux jours devant lui.

Publié le 21 mars 2005 Lecture : 4 minutes.

La vie politique israélienne tourne de plus en plus au roman policier. On connaît le début de l’histoire et on sait seulement que la fin ne sera pas ce qu’on croit. Le héros est, bien sûr, Ariel Sharon. Depuis qu’il a annoncé le retrait de Gaza, il joue gros. Il a perdu le soutien de son parti, les colons le vouent aux gémonies, et voici que l’inénarrable rabbin Yossef Ovadia appelle sur lui les foudres célestes : il souhaite que le Premier ministre soit anéanti « par un missile » !
Mais Israël étant une démocratie, que pense le peuple de Sharon ? Celui-ci vient de célébrer un double anniversaire : il a eu 77 printemps et il est au pouvoir depuis quatre ans. C’est l’heure des bilans et l’occasion de demander aux Israéliens comment ils voient leur chef du gouvernement. Un sondage publié par le quotidien Ha’aretz au début du mois s’en est chargé. Premier résultat : Sharon est le plus fort des Premiers ministres qui se sont succédé à la tête de l’État juif et l’un des plus populaires. Cette embellie soudaine n’est pas sans lien avec l’annonce, il y a six mois, de l’évacuation de Gaza. « Tant que Sharon ne faisait rien, écrit Ha’aretz, il bénéficiait d’une coalition stable. Le nombre des morts augmentait ainsi que celui des chômeurs et des pauvres. Mais ses partenaires au sein de la coalition n’avaient rien à lui reprocher. Dès qu’il a parlé de désengagement et a commencé à appliquer son plan avec cette opiniâtreté, cette dureté et cette brutalité dont il est seul capable, tout a changé. » Sharon perd sa majorité (et doit obtenir le secours des travaillistes), mais gagne aussitôt les faveurs de l’opinion. On a donc affaire à un Sharon tout neuf. « Il est pur et propre comme un bébé après un bain chaud et parfumé », ironise Ha’aretz.
Mais les Israéliens – c’est peut-être le plus intéressant dans ce sondage – ne se font aucune illusion sur ses vertus. Ils ne sont que 44 % à penser que le Premier ministre est « honnête », alors que 62 % le jugent « corrompu » ou « rapace ». Cela ne les empêche toutefois pas de lui reconnaître des talents de « leader », d’être l’homme hors du commun dont le pays a besoin.
Comment son bilan est-il apprécié ? Apparemment, les jugements qu’il inspire ne portent pas sur ses performances depuis qu’il est au pouvoir, mais seulement sur ce qu’il a fait depuis un an, voire six mois. Et c’est toujours le retrait de Gaza qui marque le plus les esprits. Sharon obtient des notes enviables et en constant progrès : 6,3 sur 10 en janvier 2004, 6,5 en novembre 2004, 6,6 aujourd’hui. Paradoxalement, ceux qui ne votent pas pour lui sont les plus enthousiastes : 53 % des électeurs travaillistes et 58 % de ceux du Shinui (centre) lui accordent une note comprise entre 8 et 10.
Sharon est le chef de gouvernement le plus âgé de l’histoire d’Israël : lors des prochaines élections, en octobre 2006 (en principe), il avoisinera les 79 ans. Question : pourrait-il solliciter un nouveau mandat ? Surprise : ses concitoyens qui l’aiment tant aujourd’hui ne sont que 34 % à souhaiter le voir rempiler, alors que 61 % voudraient le renvoyer dans son ranch du Néguev. Comment expliquer ces fluctuations de l’opinion ? En fait, la formulation de la question influe, semble-t-il, beaucoup sur la réponse. Lorsque le facteur âge est mentionné – et Sharon a douze ans de plus que l’âge moyen de la retraite -, ils répondent comme prévu. Mais rien ne dit qu’il devra prendre sa retraite. Tout dépendra de la conjoncture politique et de l’existence d’une alternative. Autrement dit, « faute d’alternative, Sharon sera encore l’homme de la situation, malgré son âge avancé ». Qu’en est-il donc de la conjoncture et de l’alternative ?
La conjoncture est conditionnée, et pour longtemps, par le retrait de Gaza. Si un référendum était organisé à ce sujet, le résultat serait sans appel : près de 70 % sont favorables à l’évacuation et 28 % y sont opposés. Là encore, ce sont les partis de gauche et du centre qui apportent à Sharon un soutien franc et massif : les électeurs du Meretz votent à 100 % pour le désengagement, et les travaillistes à 83 %. C’est dans son propre parti, le Likoud, que le Premier ministre trouve l’appui le plus faible (52 %).
Que va-t-il faire après le retrait de Gaza, prévu désormais en juillet ? Selon le sondage de Ha’aretz, 70 % des Israéliens pensent que Sharon ne s’arrêtera pas en si bon chemin et que le mouvement d’évacuation s’étendra aux colonies de Cisjordanie. Bien entendu, ce sont en majorité les électeurs du Parti travailliste, du Meretz et du Shinui qui nourrissent un tel espoir. Mais la droite n’est pas en reste puisqu’elle crédite à 60 % Sharon de ces « mauvaises » intentions.
Et l’alternative ? Quel est le poids dans l’opinion de Benyamin Netanyahou, son principal rival ? À l’évidence, le Premier ministre n’a rien à craindre. En cas de duel, le « bébé » obtiendrait 50 % des voix et « Bibi » seulement 30 %. Pour le moment, aucun autre candidat ne se profile à l’horizon. C’est donc Ariel Sharon qui devrait occuper de toute sa stature le présent et l’avenir au Moyen-Orient. Le suspense continue néanmoins. Aux dernières nouvelles, le budget de son gouvernement n’est pas assuré d’obtenir la majorité à la Knesset et il rame pour rassembler, une à une, les voix requises.

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