Plantations en berne

L’Union européenne entend baisser le prix qu’elle garantit aux producteurs de sucre. Une décision lourde de conséquences pour la filière.

Publié le 21 mars 2005 Lecture : 2 minutes.

A Marromeu, petite ville du centre du Mozambique, toutes les activités sont liées à la présence de l’usine de sucre, rouverte en 1999. Propriété d’un consortium de sucreries mauricien, Sena a investi 170 millions de dollars dans son redémarrage. Cette usine emploie près de neuf mille personnes, rémunérées autour de 50 dollars par mois, l’équivalent de ce que gagne un agriculteur. C’est peu, mais l’entreprise fournit également l’électricité, les soins médicaux et l’eau potable. Résultat : la ville croît, et de plus en plus d’enfants vont à l’école, primaire et secondaire.
Le contraste avec Luabo, de l’autre côté du fleuve Zambèze, est frappant. Des magasins vides, une rue principale envahie d’herbes folles, quelques rares habitants : Luabo est une ville fantôme. L’usine de sucre, qui appartenait à l’entreprise britannique Tate & Lyle, a fermé en 1984, pendant la guerre civile.
Mais l’industrie sucrière mozambicaine, qui emploie près de 20 000 ouvriers, dépend beaucoup du marché européen, qui lui garantit un prix trois fois supérieur aux cours mondiaux. Attaquée devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par le Brésil, la Thaïlande et l’Australie, qui s’estiment victimes de dumping, l’Union européenne (UE) envisage de baisser ses prix d’un tiers à l’horizon 2006. L’avenir des habitants de Marromeu pourrait donc se jouer à des milliers de kilomètres de là, à Bruxelles, siège de l’UE. Le pays tout entier, le Soudan et l’Éthiopie risquent d’être pris dans la tourmente.
À partir de 2009, le Mozambique bénéficiera cependant d’un accès libre au marché européen, mais, d’ici là, il doit respecter son quota d’exportations, fixé à 12 000 tonnes par an. « C’est trop peu, explique le Franco-Mauricien Jean-Luc Harel, directeur général de l’usine de Marromeu. Pour survivre, nous devons certes réduire les coûts de production, mais aussi augmenter la surface cultivée, notamment à Luabo, et surtout vendre davantage. » Les producteurs mozambicains espèrent regagner en parts de marché ce qu’ils vont perdre en matière de prix à la tonne. L’idéal serait donc de leur permettre un accès plus rapide au marché libre, accompagné d’une baisse plus lente des prix, pourquoi pas répartie sur dix ans, comme le préconise Oxfam, ONG de conseil en développement et de lutte contre la pauvreté.
Selon Mariann Fischer-Boel, commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural, il est « tout simplement impossible de soutenir le prix du sucre à son niveau actuel, en dépit des conséquences prévisibles sur les investissements engagés dans ce secteur ». Un message difficile à entendre pour le Mozambique, qui produit du sucre plutôt bon marché, mais dont le sort dépend du bon vouloir des investisseurs étrangers. L’UE lui a promis son aide, mais le pays a aussi besoin d’entrepreneurs privés qui acceptent de prendre le risque de travailler avec un État pauvre, sous-développé, et qui lutte toujours pour se guérir des blessures de la guerre civile. « Pour augmenter notre activité, il nous faut trouver de nouveaux partenaires, commente Jean-Luc Harel. La position de l’UE et l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons ne nous facilitent pas les choses. » À Marromeu, comme dans nombre d’autres usines situées dans des régions pauvres, le rêve de prospérité des populations vacille.

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