Louis-Paul Motazé

Directeur général de la CNPS, il a réussi à redresser les comptes d’une Sécurité sociale camerounaise en grande difficulté et à sauver les retraités.

Publié le 21 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Février 2004, à Bamako. Louis-Paul Motazé est sur son petit nuage : le IXe Conseil des ministres de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (Cipres) vient de marquer un vif intérêt pour l’expérience camerounaise en matière de recouvrement des cotisations sociales, qu’il conduit à la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). Les derniers résultats de cet organisme en charge des prestations sociales ont autant marqué l’opinion que, il y a quelques années, les images d’une police antiémeute repoussant sans ménagement des personnes âgées à coups de canon à eau. Ces malheureux parcouraient des kilomètres pour converger au siège de la CNPS à Yaoundé, pour une pension aussi maigre qu’incertaine. Car la « caisse » de l’époque, lancée dans une expansion tous azimuts, était souvent vide. Défaillance aggravée par un contexte sociopolitique qui encourageait la fraude, les entreprises prélevant sur les salaires des cotisations qu’elles ne reversaient plus à l’État. Conséquence : le système s’enraye.
En septembre 1999, date de sa nomination, Louis-Paul Motazé a déjà à son actif une expérience bien cotée de gestionnaire à la Cameroon Shipping Lines, la société de transport maritime du pays, et dix ans à la Camair. Mais rien qui laisse présager un succès au chevet d’une structure à la santé financière aussi précaire. En plus, comment s’y prendre pour, d’un côté, affronter des notabilités soucieuses de préserver leurs privilèges et, de l’autre, contenir l’impatience d’assurés de plus en plus enclins à réclamer des comptes ? « Il m’a fallu inverser la courbe, passer d’un cercle vicieux à un cercle vertueux », explique-t-il. Protégé du chef de l’État, il aurait pu essayer d’obtenir une perfusion financière. La dette publique envers la caisse n’est-elle pas colossale ? « Au nom de cette proximité, on attend justement de vous deux fois plus que les autres », se défend-il. Ce fort en thème, major de sa promotion à l’École nationale d’administration de Yaoundé et à l’Institut portuaire d’études et de recherches du Havre, en France, choisit de se « creuser les méninges ». Objectif : améliorer le recouvrement afin d’augmenter les recettes. Avec le ministère des Finances, au lieu du règlement des milliards dus, il négocie le principe de l’adossement du paiement des cotisations sociales à celui des impôts. En 2000, l’Assemblée nationale vote à l’unanimité la nouvelle loi sur la Sécurité sociale ; fait rare, un député de l’opposition la défendra avec zèle. Désormais, difficile pour une entreprise d’entretenir des relations avec l’administration si elle n’est pas à jour de ses cotisations. L’idée va se révéler très efficace, et les résultats ne se feront pas attendre. De 49 milliards de F CFA en 1999, les recettes augmentent pour atteindre près de 69 milliards de F CFA en 2004. Dans le même temps, le nombre d’assurés progresse de 584 000 à 647 800. La pension vieillesse atteint 74 % des prestations, et les retraités voient leurs pensions se bonifier. Payés à périodicité fixe et suivant un calendrier précis, les plus fragiles sont aussi pris en charge par des médecins lors de leur passage aux centres de paiement. Aujourd’hui, un retraité affilié à la CNPS a un revenu annuel proche du PIB par habitant, soit 38 500 F CFA (58,70 euros) en moyenne mensuelle, un peu plus que le SMIG du pays. Les résultats de l’organisme se rapprochent des référentiels de base de la Cipres, ce dont il n’est pas peu fier. Le 11 mars, le jury des Étoiles du marketing l’a élu dans le Top 10 Manager 2004 au Cameroun.
De son bureau situé au 6e étage de l’immeuble du siège, à Yaoundé, Louis-Paul Motazé gère, à 46 ans, un budget supérieur à celui que l’État consacre à la santé publique. Il sait aussi que ces travailleurs du secteur informel qu’il voit défiler au pied de sa tour ne bénéficient d’aucune couverture sociale. Et que les prestations familiales et les accidents du travail restent mal couverts. Sur ces questions, Motazé s’anime. Autre chantier, la modernisation de la gestion de la CNPS, récemment confiée à une société informatique tunisienne. Ceux qui voudraient à tout prix qualifier d’un mot ce quadra aux allures de gendre idéal sont obligés de choisir celui qui l’embarrasse le plus : ambitieux. Lui préfère parler d’audace et se réclame d’une génération « qui partage, avec Paul Biya, une vision moderne du management public ».

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