Dur dur d’être numéro un !

Leader mondial des constructeurs de téléphones mobiles, le géant finlandais n’en connaît pas moins quelques difficultés. Explication.

Publié le 22 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Nokia va mal. Impossible, répondent en choeur les 55 500 salariés du groupe finlandais, du simple employé au PDG, Jorma Ollila, un ingénieur de 55 ans, entré dans le groupe en 1985 avant d’en prendre les commandes en 1992. De fait, les difficultés d’une entreprise qui a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 29,3 milliards d’euros et un bénéfice de 3,2 milliards d’euros ont de quoi surprendre. D’autant qu’elle caracole en tête du palmarès mondial des constructeurs de téléphones mobiles depuis une décennie : un appareil sur trois vendu dans le monde porte sa marque (voir infographie). L’année dernière, sur un total de 643 millions d’unités écoulées sur la planète, il en a produit 208 millions. Soit, en moyenne, 400 par minute ! Nokia reste le leader absolu en la matière, sa part de marché oscillant entre 30,4 % et 34,8 % selon les cabinets d’études, Gartner Group étant plus pessimiste que IDC.
Mais à force d’être sous le feu des projecteurs, le moindre faux pas prend des allures de catastrophe. Les analystes financiers n’ont d’ailleurs pas attendu les résultats définitifs de l’exercice 2004 pour manifester quelque inquiétude. Durant le deuxième trimestre de l’année dernière, l’action Nokia a perdu la moitié de sa valeur, et les cabinets d’études en marketing ont commencé à faire état d’un affaissement des parts de marché, qui, selon Gartner Group, seraient passées de 35 % à 28,9 % sur le premier trimestre 2004. Les résultats trimestriels n’étaient, en effet, pas glorieux : baisse de 2 % du chiffre d’affaires au premier trimestre, puis de 5 % au second. Pis, les ventes de la division téléphonie mobile sont apparues en chute libre : – 15 % au premier trimestre 2004, – 13 % au deuxième. Bref, une accumulation de mauvaises nouvelles pour un groupe jusque-là sans histoire, sauf celle d’une réussite exceptionnelle dans un domaine de pointe.
Nokia a ensuite redressé la barre dans la seconde partie de l’année pour terminer 2004 avec un chiffre d’affaires convenable : en baisse de 1 % en un an, ce qui s’explique par l’effet des taux de change, le groupe vendant 42 % de sa production hors de la zone euro. Nokia a même récupéré les parts de marché égarées en accélérant la sortie de nouveaux modèles. Il a sauvé les apparences, mais le problème reste entier. Le géant finlandais se trouve un peu dans la situation de ces PME qui n’ont qu’un seul produit, ou qu’un seul client. Que l’un ne soit plus à la mode, ou que l’autre cesse ses commandes, et c’est la déroute. La chute – certes provisoire – des ventes de téléphones mobiles ne traduit pas autre chose : Nokia est un grand spécialiste des modèles GSM quand le marché, particulièrement en Europe, réclame des appareils plus sophistiqués, capables de télécharger de la musique sur Internet ou de transmettre des séquences de vidéo. Ces appareils multimédias ne représentent que 12,6 % de son chiffre d’affaires, alors que les mobiles traditionnels y entrent pour 61 %. Leur poids est encore plus négligeable si l’on rappelle que le groupe finlandais réalise une marge nette de 20 % par GSM vendu, quand elle n’est que de 4,9 % par appareil multimédia…
Le virage est d’autant moins simple à négocier que les modèles multimédias sont également multiformes. Entre écouter de la musique, transmettre des séquences vidéo, parler en visiophonie, ou encore travailler dans la rue comme au bureau, ni les opérateurs ni les constructeurs ne sont aujourd’hui en mesure de dire lequel de ces usages prévaudra, ni quel sera « le » téléphone que le marché réclamera à des millions d’exemplaires. Or c’est justement celui-là que, jusqu’à présent, Nokia est capable de produire dans des conditions économiques très satisfaisantes. Il lui faut réapprendre son métier et appliquer à la nouvelle génération de téléphones mobiles les recettes qui ont fait le succès de l’ancienne.

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