Au village masaï

Publié le 21 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Quand notre chauffeur et guide Stanley nous a proposé de nous rendre dans un village masaï, mes huit compagnons de voyage ont acquiescé avec enthousiasme. Trois jours dans la savane nous avaient permis d’apercevoir beaucoup d’animaux, fauves, gazelles en tout genre, oiseaux et reptiles, il nous était donc bien agréable d’aller à la rencontre des habitants de la région, le parc du Masaï-Mara. Et Stanley d’emprunter vivement une petite piste. Au bout de quelques minutes, il nous annonce quand même qu’il va nous falloir débourser quelque 50 euros pour un quart d’heure de visite. Rien d’étonnant à cela, cependant. Contrairement à d’autres pays du continent, le tourisme au Kenya est élitiste et onéreux : la bourse des visiteurs fond aussi vite que les neiges du Kilimandjaro au soleil. Même les photos doivent être monnayées avant d’être prises ! Au bout d’une demi-heure de route, le minibus s’arrête devant le village. Le Masaï qui nous accueille s’appelle Jonathan. Debout au milieu d’un groupe de guerriers grands et secs comme des filaos, il nous explique dans un anglais parfait que cette visite payante permet à la tribu d’envoyer les enfants à l’école et d’acheter des médicaments. Jonathan est le seul à ne pas avoir les oreilles percées et chargées de bijoux. « J’ai été choisi naguère pour aller à l’école. Sinon, on perce les oreilles des garçons à partir de 10 ans. » Puis il nous invite à entrer dans le village. Celui-ci, construit en fer à cheval, est cerné d’une haie d’épineux censée tenir les bêtes sauvages à distance. Vingt-cinq cases, ou inkajijiks, très proches les unes des autres, sont disposées en cercle. « Elles ont été confectionnées avec de la bouse séchée, » explique Jonathan.
Il n’y en a pas que sur les cases. Le village en est constellé, et les gamins y pataugent avec la même sérénité que s’ils foulaient un tapis de velours. Chaque habitation abrite dix personnes. En tout, 250 âmes veillent sur un troupeau de 400 vaches, car ici hommes et bêtes vivent ensemble. La nuit, les bovins sont rassemblés dans l’enceinte du village pour éviter les vols, ce qui explique le revêtement si particulier du sol…
Les guerriers nous accueillent avec des chants traditionnels. Certains ont les cheveux longs, signe de leur célibat. Puis ils se mettent à sauter à pieds joints, de façon très spectaculaire. « Celui qui saute le plus haut aura le plus de succès auprès des filles », poursuit Jonathan, avant de nous inviter à l’intérieur de l’une des habitations proches. Il faut se casser en deux pour y pénétrer, tant elle est basse et minuscule. C’est la pénombre, malgré le feu allumé en permanence pour éloigner les moustiques. Il n’y a que deux couches : l’une pour les parents et, près de la fenêtre, celle des enfants, ainsi qu’un espace-dortoir réservé… au veau de la famille. Trop faible pour rester avec les bêtes adultes, les veaux dorment dans les cases. Une fois sortis de la hutte, Jonathan nous annonce avec solennité : « Now, ladies and gentlemen, the last part of the visit ! » Alors qu’on s’attendait à quelque chose d’exceptionnel comme la case du guérisseur, il nous entraîne derrière le village, dans un enclos protégé qui n’est autre qu’un marché aux souvenirs. Tiens donc, on ne perd pas le nord ! Les prix sont prohibitifs, pires qu’à Nairobi. Je dois marchander ferme pour un collier masaï à 2000 shillings (20 euros). Ce n’est pas dérisoire lorsqu’on sait que le salaire d’un policier est d’environ 5 000 shillings… Un « coeur à prendre » m’offre une canine de lion avec un regard mouillé. « Il est mordu », traduit Jonathan. Touchée, je prends la dent. Mais, au moment de remonter dans le minibus, mon « prétendant » me reprend son présent avec un sourire en disant : « Money ? » Les fiers guerriers sont aussi de fieffés marchands !

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