Alger, rêve et réalité

Bab el-Web de Merzak Allouache (sorti à Paris le 16 mars)

Publié le 22 mars 2005 Lecture : 3 minutes.

Après l’énorme succès de Chouchou il y a deux ans, Merzak Allouache tente de réaliser du côté sud de la Méditerranée ce qui lui avait si bien réussi en France. Cette nouvelle comédie grand public se passe en effet à Alger, dans le quartier populaire où le cinéaste avait déjà tourné Bab el-Oued City, une charge contre les intégristes, en 1993. Mais, même si le film se laisse voir avec plaisir, il ne marquera pas une date essentielle dans l’oeuvre de l’auteur d’Omar Gatlato, ce long-métrage qui avait révolutionné le septième art en Algérie au milieu des années 1970 en ouvrant une brèche dans une cinématographie jusque-là exclusivement militante et tournée vers le passé.
L’histoire de Bab el-Web relève plus du prétexte pour multiplier les petites scènes de société et les clins d’oeil humoristiques à la dure condition des Algériens que d’un scénario véritablement élaboré. Les héros du film sont deux frères algérois « immigris » (nés en France et revenus quand leur père a pris sa retraite au pays natal), le jeune Bouzid et son frère aîné Kamel, respectivement interprétés par le chanteur Faudel et le plus célèbre conducteur de taxi marseillais, Samy Nacéri. Et une Française, la belle et fraîche Laurence à laquelle Julie Gayet prête sa sensibilité. Bouzid, qui trompe son ennui grâce à sa passion pour Internet, se lie d’amitié avec des correspondantes lointaines en participant à des chats et, pour continuer à rêver, propose volontiers et sans illusion à ces dernières de venir le visiter dans son pays. Un jour, surprise ! L’une d’elles, une Parisienne, lui annonce son arrivée prochaine dans la Ville blanche. Ce qui ne va pas sans problème à résoudre. D’autant que Kamel tombe amoureux de Laurence, l’invitée de son frère, qui elle-même n’est pas insensible à son charme. Et que celle-ci, en fait, n’est pas pour un simple voyage d’agrément, mais pour retrouver la trace de son père disparu, désormais un mafieux … avec lequel ses hôtes ont eu et auront maille à partir.
On imagine comment cet argument permet de visiter bien des aspects de la vie des « Algérois moyens » d’aujourd’hui. Le logement : comment, en l’espèce, recevoir convenablement l’« amie » de Bouzid dans le minuscule appartement où s’entasse toute sa famille ? La solution sera de trouver le moyen d’éloigner pour quelque temps toutes les femmes de la maison. L’ennui : comment passer le temps quand on n’a ni véritable travail ni loisirs évidents sinon, par exemple, en passant ses jours et ses nuits dans des forums de discussion sur Internet chez soi ou, plus souvent, dans un cybercafé comme le « Bab el-Web » qui donne son titre (un peu facile) au film ? La débrouille : comment s’occuper et gagner un peu d’argent ? On se livre à un petit commerce illégal de cigarettes. À moins qu’on ait réussi comme Kamel à acquérir et entraîner une bête afin de s’imposer comme un coach reconnu dans ce nouveau « sport » national clandestin que sont les combats de moutons. Etc.
Le mélange entre l’intrigue principale et tous ses prolongements secondaires permet au film de déployer cette veine satirique dans laquelle excelle ce fin observateur qu’est Merzak Allouache. Mais il conduit aussi à se disperser, à multiplier les situations ou les personnages plus ou moins caricaturaux qui n’aident pas le film à trouver son équilibre. Reste néanmoins, et c’est le mérite du film, un portrait attachant d’Alger et surtout de ces jeunes Algériens qui ne savent plus comment transformer en éléments d’une vie réelle les promesses de cette vie virtuelle à laquelle ils se sentent si souvent condamnés, sur le Web ou autrement.

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