Voyage en judéophobie

Pour dénoncer la montée de l’antisémitisme à travers le monde, Pierre-André Taguieff force parfois le trait.

Publié le 21 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Philosophe, historien des idées et politologue, Pierre-André Taguieff est aussi spécialiste en matière d’étude de l’antisémitisme. Prêcheurs de haine, son dernier livre, est une « traversée de la judéophobie planétaire » et constitue une suite et un développement à La Nouvelle Judéophobie, essai paru en 2002 chez le même éditeur.
Dans les quelque mille pages de son ouvrage, Taguieff affirme que l’antisémitisme revient en force à travers la diabolisation d’Israël, notamment par les milieux d’extrême gauche. Il reprend et amplifie la réflexion de l’éditorialiste allemand Josef Joffe, qui remarquait combien il est déshonorant de dire « Je hais les Juifs » alors qu’il est admis de dénoncer et condamner sans mesure Ariel Sharon. Dans son essai introductif, où il tente une définition exhaustive des « phobies » en place dans la société française – judéophobie et islamophobie au premier chef -, Taguieff s’appuie sur différentes manifestations publiques, comme le discours du 16 octobre 2003 de l’ancien Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad. Il met ainsi l’accent sur le fait que les propos antijuifs sont rarement assumés par leurs auteurs qui, en revanche, n’hésitent pas à taxer d’antisémitisme leurs contradicteurs. Taguieff achève sa démonstration sur un détour, pas entièrement convaincant, par les principes de construction des mythes et espère ainsi rendre cohérente son opinion sur la « nouvelle gauche » altermondialisée, qu’il pense inféodée à l’idéologie judéophobe.
Les différents chapitres qui suivent cette introduction entraînent le lecteur dans les méandres d’une enquête sur l’origine des manifestations actuelles de la haine. On voit se dessiner les convergences entre sionisme et fondamentalisme islamique, on perçoit les raisons de la résurgence de l’antiaméricanisme français pour finir sur un concept encore peu répandu, nommé la « nouvelle radicalité ».
On peut être gêné par le style et certains raccourcis, car l’auteur n’hésite pas à tailler des croupières à nombre de personnages comme José Bové, Dieudonné ou Tariq Ramadan. Il s’en prend également à des hommes moins contestés comme l’islamologue Bruno Étienne ou l’essayiste Guy Sorman, qui lui ont d’ailleurs fait part de leur réprobation.
L’auteur force parfois le trait, et les épithètes qu’il emploie à l’encontre de ses cibles, si elles contribuent à réveiller l’attention du lecteur, ne font rien pour modérer le débat.

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