Turban sikh et prise de tête
Sur sa carte d’identité nationale française, Mann Singh Shingara, un sikh de 48 ans, pose en turban. Mais voilà, ce commerçant de Sarcelles, originaire du Pendjab, naturalisé depuis 1986, a égaré son permis de conduire, et la préfecture de Cergy (Val-d’Oise) lui refuse un duplicata sous prétexte que les photographies jointes à sa demande n’ont pas été prises tête nue.
Qu’à cela ne tienne, Mann Singh Shingara saisit le tribunal administratif de Cergy, avec la conviction, déclare- t-il, que « la loi sur les signes religieux ne s’applique que dans l’enceinte scolaire ». Le 14 février, le tribunal donne raison à la préfecture : M. Shingara doit retirer son turban s’il veut obtenir un duplicata de permis.
La loi sur les signes religieux « ostensibles », qui a fait tant de bruit l’année dernière, n’est pourtant pas en cause ici. La décision de justice résulte de l’application d’un arrêté ministériel du 21 juin 1999 – antérieur donc à la loi susmentionnée – aux termes duquel « la tête doit être nue et de face » sur les photos d’identité.
N’eussent été, en 2004, les manifestations d’étudiants sikhs refusant d’enlever leur turban à l’école et, aujourd’hui, le cas de Shingara, la communauté sikhe en France, estimée à environ 5 000 personnes, passerait presque inaperçue. Leur religion prône l’égalité des sexes, la sincérité, le respect des autres fois, dénonce superstition et fanatisme. Née il y a cinq cents ans, elle compte aujourd’hui plus de 20 millions de fidèles à travers le monde.
La diaspora sikhe de France a clamé l’année dernière que le turban n’est pas un signe « religieux », mais celui d’une appartenance à une histoire, à une culture et, plus pragmatiquement, une façon de protéger leur chevelure. En effet, les hommes sikhs, contrairement à leurs femmes, n’ont pas le droit de se couper cheveux et poils.
Pourtant, ni les arguments historico-culturels, ni les raisons « hygiéniques » n’ont convaincu la justice. Quelques étudiants sikhs ont recouvert leurs cheveux d’un tissu fin pour pouvoir réintégrer leur classe, d’autres se sont inscrits dans des établissements privés et, afin de retrouver le volant de sa voiture, Mann Singh Shingara devra dénouer son turban jaune safran.
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