Quand le bâtiment va…

Avec plus de cinq cents projets engagés ou sur le point de l’être en l’espace de cinq ans, les investissements se multiplient.

Publié le 21 février 2005 Lecture : 3 minutes.

Bata, fin janvier, sous un soleil de plomb. Casques blancs vissés sur la tête, les ouvriers de Bouygues Guinée équatoriale, filiale du groupe français, s’affairent sur le « Paseo », le front de mer qui fait le charme de cette cité côtière. Sur plusieurs kilomètres, ils installent des dalles et des zones paysagères, un ouvrage à livrer pour le mois d’avril. À deux pas de là, d’autres manoeuvres du bâtiment édifient un immeuble d’une dizaine d’étages qui donne sur l’océan. Bata, Malabo, Luba pour les principales, mais aussi Evinayong, Ebebiyin, Mongomo, Niefang, Mbini et d’autres villes secondaires vivent à l’heure des grands travaux de construction et de rénovation, immobilières et routières. Les autorités consacrent, rien que pour 2005, près de 180 milliards de F CFA aux projets d’infrastructures.
« En 1996, il n’y avait pratiquement pas de routes goudronnées et très peu de voitures, rappelle Vlastimir, un entrepreneur yougoslave. Aujourd’hui, de larges voies sillonnent le pays et les immeubles sortent de terre les uns après les autres. » Parmi les grands chantiers à attribuer à court et moyen terme : un hôpital à Malabo, l’édification de Malabo II et de Bata II, deux nouveaux quartiers de la capitale et de la métropole économique sur la partie continentale. Sans oublier l’extension du port de Malabo et la construction d’une université. Des marchés très convoités par les grands groupes de
construction. L’entreprise serbe Sogeco et sa filiale Ecocsa sont les premiers opérateurs du pays avec 100 milliards de F CFA de chiffre d’affaires sur les trois dernières années. Devant l’italien General Work, l’irlandais Fitzpatrick et les français Bouygues et Sogea
(groupe Vinci). Les Chinois sont également présents dans la construction de routes avec la China Road and Bridge Corporation (CRBC) et les grands ouvrages avec Henan Chine. La concurrence est féroce et l’activité variable d’une année sur l’autre. « Nous avons régulièrement des périodes creuses entre deux contrats. Nous devons adapter nos dispositifs en fonction des marchés », explique un patron européen. Les groupes font donc
appel à beaucoup d’intérimaires. Sur le papier, les entreprises de BTP ne peuvent pas employer plus de 10 % d’étrangers, mais, dans la pratique, c’est plus compliqué. « Les Équatoguinéens ne sont pas formés ; tous les postes à responsabilité doivent être confiés à des étrangers », ajoute le même responsable. Beaucoup de Camerounais et de Gabonais ont donc franchi la frontière pour venir travailler en Guinée équatoriale. Les revenus sont acceptables le salaire minimum tourne autour de 100 000 F CFA par mois , mais les conditions de vie sont difficiles.
Originaire de la région d’Édéa, Paul, employé d’une entreprise camerounaise qui venait de remporter le marché de construction d’une station-service, est arrivé à Malabo en 1999. Une fois sa mission achevée, il s’est procuré un visa et a travaillé sur d’autres projets en tant que chef d’équipe. « J’ai pensé monter ma propre entreprise. Mais on a du mal à le faire si l’on ne s’associe pas à un Équatoguinéen », explique-t-il. Souhaitant conserver son indépendance, Paul propose ses services de chantier en chantier. Pour certains travaux de sous-traitance, il emploie même des manuvres à la journée ou à la tâche. Lui et ses compatriotes rapatrient l’essentiel de leurs bénéfices au pays. La plupart d’entre eux travaillent sur les chantiers des grandes entreprises et rechignent à aller sur le marché des particuliers. « C’est trop dangereux. Souvent, ils refusent de payer une fois les travaux achevés. Et si l’on se plaint, c’est la pirogue pour le Cameroun », indique-t-il. Car la peur du policier est quotidienne. Paul a récemment renouvelé son visa pour un an, ce qui lui a coûté près de 500 000 F CFA en frais de dossier et en pots-de-vin. Outre la précarité de leur statut, nombre d’immigrés souffrent de l’éloignement de leurs familles. Alors, le soir, ils se retrouvent dans les maquis tenus par leurs compatriotes. Football et musique atténuent leur mal de vivre.

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