Nouvelle donne politique ?

L’indulgence des juges à l’égard des putschistes de juin 2003 est bien un signe d’ouverture.

Publié le 21 février 2005 Lecture : 2 minutes.

Un verdict unanimement salué par les avocats des prévenus et considéré par l’opposition comme une « décision d’apaisement », susceptible de déboucher sur « une nouvelle ère de dialogue et de réconciliation » avec le pouvoir : le fait est suffisamment rare sous les latitudes arabo-africaines pour être souligné. Le 3 février, à l’issue d’un épuisant procès marathon de dix semaines, la cour criminelle du Trarza, siégeant à Oued Naga, à une cinquantaine de kilomètres de Nouakchott, a rendu sa sentence. Sur les 197 prévenus accusés d’atteinte à la sûreté de l’État, 143 ont été libérés par acquittement simple ou parce que la durée de leur détention préventive recouvrait celle de leur peine et 54 ont été condamnés à des peines de prison allant de deux ans à la perpétuité.
À l’issue de son réquisitoire, le procureur de la République avait réclamé 17 condamnations à mort et 49 peines de prison à vie, laissant craindre le pire dans un pays où le tissu social demeure très fragile et où le sang versé ouvre la voie à d’interminables vendettas tribales. La sagesse l’a donc emporté, et quel que soit le degré d’indépendance de la justice mauritanienne, il est évident que le verdict de Oued Naga a tenu le plus grand compte des souhaits et des préconisations de l’exécutif en la matière.
Les quatre condamnations les plus lourdes – travaux forcés à perpétuité – concernent les quatre leaders des « Cavaliers du changement », organisation clandestine directement à l’origine de la tentative sanglante de putsch de juin 2003. Deux d’entre eux, le commandant Ould Hannena et le capitaine Ould Mini, avaient d’ailleurs plaidé coupables. Quant aux commandants Ould Cheikhna et Ould Saleck, en fuite et donc jugés par contumace, ils n’ont jamais fait mystère de leur volonté de renverser le régime par la force. Parmi les autres condamnés, pour l’essentiel des militaires, figure une personnalité atypique : Mustapha Ould Limam Chavi. Ce proche du président burkinabè Blaise Compaoré, qui vit à Ouagadougou, où il ne se cache guère – et clame son innocence -, a écopé de quinze ans ferme pour avoir, selon l’accusation, été le facilitateur logistique du coup d’État manqué.
Le fait que trois des principaux leaders de l’opposition, Ahmed Ould Daddah, Khouna Ould Haïdallah et Cheikh Ould Horma, inculpés dans le cadre du « dossier n° 746/03 », aient été acquittés par la cour signifie-t-il que la voie est désormais ouverte pour une nouvelle donne politique en Mauritanie ? La libération, le 13 février, de Mohamed Elhacen Ould Dedaw, Jemil Ould Mansour et Mokhtar Ould Mohamed Moussa, chefs de file islamistes incarcérés depuis trois mois à Nouakchott en marge du procès de Oued Naga, va en tout cas également dans ce sens. Entre une opposition en phase de mûrissement accéléré et un pouvoir tenté par l’ouverture, le consensus n’est plus impossible. Prendra-t-il la forme d’un nouveau gouvernement, rajeuni et élargi ? La réponse appartient évidemment au président Ould Taya.

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