Noureddine Ben Khedher

L’éditeur et militant politique tunisien est décédé le 10 février, à Tunis.

Publié le 23 février 2005 Lecture : 3 minutes.

La Tunisie a perdu une figure de la gauche démocratique : Noureddine Ben Khedher, décédé le 10 février, à Tunis, des suites d’une longue maladie. Il a été inhumé le 12 février à El-Hamma, son village natal, situé près de Gabès, dans le sud du pays. Né le 9 février 1939, Noureddine était le fils d’Ali Ben Khedher, militant nationaliste qui avait soutenu Salah Ben Youssef, porte-drapeau du panarabisme au sein du Néo-Destour, contre Habib Bourguiba. En 1958, deux ans après l’assassinat de son père par des partisans de Bourguiba, le jeune homme part en France pour subir des soins médicaux dans un sanatorium. Il y poursuit ses études secondaires, puis universitaires. Il milite aussi au sein de l’Union générale des étudiants de Tunisie (Uget), vivier du jeune Etat tunisien, dont il sera exclu pour son opposition au régime de Bourguiba.

En octobre 1963, il fonde, avec d’autres militants de gauche, le Groupe d’études et d’action socialiste tunisien (Geast), plus connu sous le nom de sa publication, Perspectives. Un an plus tard, Ben Khedher rentre au pays. « L’opposition facile, au chaud dans un café parisien, n’était pas de mon goût
»., expliquera-t-il (Habib Bourguiba. La trace et l’héritage, éd. Karthala, Paris 2004).
À Tunis, il poursuit son activité politique clandestine. Elle lui vaut, en 1966, quelques jours de garde à vue puis une arrestation, en mars 1968, avec une dizaine de militants de Perspectives. En septembre de la même année, il est jugé par la Cour de sûreté de l’État et condamné à quatorze ans de prison. Relâché en mars 1970, il jouit trois ans de la liberté avant que la même Cour ne l’envoie au bagne de Bordj Erroumi, près de Bizerte, puis à la prison civile de Tunis, jusqu’en 1979. C’est là qu’il se marie à Aïcha Bel-Abed, archéologue, avec laquelle il aura trois enfants.

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A sa sortie, Ben khedher continue la lutte avec d’autres moyens : la culture, le livre… Directeur littéraire de Cérès Editions, il participe à l’aventure de cette maison qui deviendra, en moins de vingt ans, l’une des toutes premières au Maghreb. S’il n’écrit pas lui-même, Ben Khedher aide les jeunes auteurs à percer. Grand lecteur, la littérature n’a plus de secret pour lui. Amateur de cinéma, de théâtre et d’arts plastiques, il se constitue une collection d’art contemporain arabe devenue son unique richesse.
Bien qu’elle accapare toute son énergie, l’activité éditoriale ne l’empêche pas de participer au débat intellectuel et politique. « Homme de convictions et de sacrifice », selon l’expression de Tahar Ben Hassine, son ancien codétenu, Ben Khedher ne ménage pas ses critiques à l’égard de Bourguiba, sans toutefois lui tenir rancune. Dans une tribune publiée par Attariq El-Jadid (n° 26, mai 2004), il a rendu hommage au « Combattant suprême » en ces termes : « Bourguiba n’est pas un leader banal. […] Sa culture politique et son sens de la stratégie et de la tactique, alliés à ses dons naturels d’orateur et de communicateur, lui ont fourni les ressorts moraux et la force de caractère nécessaires pour entamer, très vite après la prise de pouvoir, un bras de fer herculéen avec sa société, afin d’extraire d’elle ce qu’il considérait comme historiquement révolu, la pousser […] vers une pratique plus moderne du métier de vivre et la plonger dans un tournis enivrant de […] réformes, qui n’ont pas cessé, à ce jour, de porter leurs fruits. »

Malade depuis plus d’un an, il a su faire face à la douleur avec dignité et courage. Il s’est dévoué jusqu’au bout aux causes qu’il croyait justes. « A chaque fois que j’étais en proie au doute, je lui rendais visite, raconte l’un de ses camarades. Je trouvais auprès de lui la foi et l’espoir dont j’avais besoin pour repartir de bon pied. »
Noureddine Ben Khedher, qui avait adhéré à l’Initiative démocratique – réunion des forces de gauche autour de la candidature de Mohamed Ali Halouani à la présidentielle d’octobre 2004 – dès son lancement en décembre 2003, avait participé à la Conférence nationale de ce mouvement les 18 et 19 décembre 2004. Malgré la maladie, il affichait un optimisme sans faille et avait appelé à « poursuivre la dynamique » en insistant sur le rôle de la culture dans la construction d’un pôle démocratique progressiste.

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