L’horizon se dégage

Après avoir longtemps vécu replié sur lui-même, ce nouvel État pétrolier s’ouvre sur le monde. La population en attend les retombées avec impatience.

Publié le 21 février 2005 Lecture : 4 minutes.

Faut-il se réjouir des succès enregistrés par la Guinée équatoriale ou bien stigmatiser les dérives de l’État et de ses dirigeants ? Éternelle question de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide… d’autant que Malabo cultive à merveille le paradoxe. Treize ans après l’extraction de la première goutte de pétrole, l’île de Bioko et la partie continentale du pays affichent des signes indéniables de développement : les immeubles sortent de terre, le réseau routier s’étend comme une toile d’araignée, les hommes d’affaires et les aventuriers se côtoient dans les restaurants à la mode et les discothèques branchées. Si bien que les expatriés et les hauts fonctionnaires ne pensent plus, comme il y a encore dix ans, à aller passer leurs week-ends dans les villes voisines de Libreville, au Gabon, ou de Douala, au Cameroun.
L’embellie est également visible à travers les indicateurs économiques : le taux de croissance du pays a atteint 24 % en 2004, le revenu par habitant est passé de 5 700 dollars en 2003 à plus de 8 300 aujourd’hui. Certains membres de la diaspora ont d’ailleurs choisi de regagner leur terre natale. Pepe, la trentaine, est de ceux-là. Après vingt ans passés en Espagne, il est de retour à Malabo pour relancer l’imprimerie de son père. « Les choses semblent aller dans le bon sens : la volonté d’ouverture des dirigeants et l’amélioration du climat des affaires favorisent le développement des sociétés privées », souligne le jeune chef d’entreprise. Certes, la corruption est loin d’être éradiquée. Mais les progrès sont perceptibles, même au niveau politique. La Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), seule véritable opposition, compte 2 sièges à la Chambre des représentants du peuple et 7 conseillers municipaux. Timide, mais bien réelle, cette avancée permet un débat contradictoire au Parlement, alors que le multipartisme existe « sur le papier » depuis 1992. Le Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE, au pouvoir) et les petits partis alliés disposent toujours d’une écrasante majorité, avec 98 sièges acquis lors des élections législatives de mars 2004. Mais la CPDS, qui a tenu son congrès annuel à Bata en janvier, se structure progressivement, même si elle dispose de peu de moyens financiers. Son secrétaire général, Placido Mico, qui a effectué dix-huit mois de prison avant d’être grâcié en août 2003, ne se prive pas de dénoncer les travers du régime. Il déplore, dans les médias ou bien dans l’Hémicycle, l’absence de politique gouvernementale en matière de santé, d’éducation et de lutte contre la pauvreté. « Le message étatique d’amour de la patrie ne passe plus auprès des populations. Auparavant, on était pauvre et on comprenait qu’il fallait se serrer les coudes. Aujourd’hui, les Équatoguinéens attendent que l’État modernise le système éducatif, construise des hôpitaux, électrifie le territoire et améliore le réseau de distribution de l’eau », précise Placido Mico. En janvier, victimes d’une énième pénurie à Malabo, écoliers, fonctionnaires et mères de famille se pressaient dès l’aube autour des fontaines publiques pour ramener de quoi boire, se laver et cuisiner pour la journée. Une situation insupportable, à laquelle il convient de remédier d’urgence. La Guinée équatoriale est 109e sur 177 pays répertoriés au classement du palmarès du développement humain publié en 2004 par le Pnud. Une place qu’elle doit essentiellement à son PIB par habitant, cinq fois supérieur à celui de l’Algérie, qui la précède, et dix-huit fois plus élevé que celui du Kirghizistan, qui la suit. Pourtant, l’espérance de vie n’est que de 49 ans, et le taux de scolarisation de 58 %. L’opposition n’hésite pas non plus à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme, depuis la tentative de coup d’État de mars 2004. Dans la foulée de l’arrestation des quinze mercenaires condamnés en novembre 2004 à de lourdes peines de prison, les autorités ont déclenché une vaste opération d’arrestations et d’expulsions des ressortissants africains à Bata et à Malabo.
Peu à peu, la Guinée équatoriale semble toutefois sortir de cette paranoïa sécuritaire, même si les autorités restent convaincues qu’un complot occidental a été organisé pour renverser le régime. Les relations sont particulièrement tendues avec l’Espagne : l’ancienne puissance coloniale, qui abrite l’opposant Severo Moto, est accusée d’avoir fomenté le coup d’État. Mais elles sont beaucoup plus constructives avec la France et les États-Unis. D’autant que le pays donne des gages en matière de bonne gouvernance et de coopération économique. Le président Teodoro Obiang Nguema a invité en décembre les hauts fonctionnaires de son pays à travailler honnêtement. « Il me semble que tout le monde se consacre corps et âme à la recherche des ressources économiques […] au détriment du bien commun », a-t-il déclaré lors d’une cérémonie officielle. Avant de demander à l’administration judiciaire de faire preuve de plus de dynamisme, de transparence et d’impartialité, pour favoriser les investissements étrangers.
Les autorités ont également renoué avec le Fonds monétaire international (FMI). Les experts de Washington ont effectué deux missions en novembre 2004 et janvier 2005 et, pour la première fois, ont eu accès aux informations stratégiques du secteur pétrolier. Mais l’État a surtout demandé au FMI de l’aider à moderniser son administration. Il a décidé d’adhérer à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (EITI). Longtemps accusées de faire de beaux discours en matière de lutte contre la corruption et d’orthodoxie financière, les autorités ont décidé de poser des actes : le 28 janvier, le directeur général du recouvrement, Virginio Mba Ngùi, a été arrêté pour détournement d’argent public avec la complicité de la société Incat, dans le cadre des contrats de BTP. Le directeur de cette entreprise est également sous les verrous, et d’autres personnalités seraient dans le collimateur de la justice.
Alors que les élections municipales sont programmées pour 2008, les législatives et la présidentielle pour 2009, le président Teodoro Obiang Nguema dispose du temps et de la latitude nécessaires pour faire évoluer les mentalités et mettre le pays sur les rails du développement. À lui de transformer l’essai.

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