[Tribune] Trois clés pour renforcer le rôle des fonds d’infrastructures

Alors que les États africains voient leur dette s’envoler, les fonds d’infrastructures et les partenariats public-privé deviennent incontournables pour le financement des équipements qui manquent à l’Afrique. Mais reste à donner un cadre idoine à cet écosystème pour éviter les problèmes de corruption et de sous-investissement.

Vue aérienne de la centrale Noor I, près de Ouarzazate (Maroc) © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Vue aérienne de la centrale Noor I, près de Ouarzazate (Maroc) © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA

Romain Py © AIIM
  • Romain Py

    Responsable des investissements chez African Infrastructure Investment Managers

Publié le 18 décembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Depuis une dizaine d’années, nous assistons à un glissement important des finances publiques avec une dette africaine représentant plus de 50 % du PIB continental. Plusieurs organisations internationales, dont le FMI, ont exprimé des doutes sur sa soutenabilité dans plusieurs économies africaines.

Il en va de même pour l’efficacité de l’investissement public dans les infrastructures. Qu’il s’agisse des routes emportées par la première saison des pluies, de lignes ferroviaires ou de ports et d’aéroports mal dimensionnés, laissant souvent un goût amer aux populations.

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Nul ne doute que des infrastructures de qualité sont vitales à la croissance et au développement des pays du continent. Pour réussir le pari d’une Afrique dotée d’infrastructures compétitives, les gouvernements devront attirer non seulement des capitaux privés, mais aussi un savoir-faire, notamment en matière d’innovation technologique, pour développer des projets respectueux de l’environnement.

Nous avons assisté ces dernières années à l’essor des partenariats public-privé (PPP), entre autres dans les énergies renouvelables, avec des programmes structurants et réussis (Afrique du Sud, Maroc, Égypte, Sénégal, Ouganda).

La transparence, un enjeu essentiel

Par exemple, le Programme d’approvisionnement auprès de producteurs indépendants d’énergie renouvelable (REIPPP), en Afrique du Sud, a réussi à canaliser une expertise et des investissements importants du secteur privé (plus de 20 milliards de dollars à travers plus de 100 projets) dans les énergies renouvelables connectées au réseau à des prix compétitifs. En fait, le REIPPP a été qualifié de « PPP le plus réussi en Afrique au cours des vingt dernières années ».

L’expérience sud-africaine suggère plusieurs leçons clés pour la réussite des programmes d’énergies renouvelables dans d’autres marchés émergents. Premièrement, il est évident que les sponsors et financiers privés sont disposés à investir dans ces énergies renouvelables si la passation des marchés publics est bien conçue et transparente, si les transactions ont des niveaux de rentabilité raisonnables et si les principaux risques sont atténués par le gouvernement.

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Le REIPPPP souligne également la nécessité de personnalités efficaces et suffisamment crédibles afin d’interagir avec les hauts fonctionnaires de manière convaincante, d’expliquer efficacement le programme aux parties prenantes, de communiquer et de négocier avec le secteur privé. Enfin, le REIPPPP démontre que les développeurs de projets du secteur privé ont besoin d’un cadre d’achat clair dans lequel investir.

Le secteur des infrastructures en Afrique connaît une évolution, avec l’émergence de fonds d’investissement spécialisés dans les infrastructures

Deuxièmement, il faut noter que, avec cette croissance des PPP, le secteur des infrastructures en Afrique connaît une évolution, avec l’émergence de fonds d’investissement spécialisés dans les infrastructures. Ces investisseurs de long terme jouent un rôle actif tout au long du cycle de vie de ses investissements.

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Gare au risque de polarisation du continent

Les sociétés et participations détenues par ces fonds bénéficient ainsi d’expertise de premier plan dans les trois domaines clés pour le développement de projets d’infrastructures : la gestion financière (notamment la structuration du financement avec le soutien d’institutions multilatérales comme la BAD ou l’IFC) ; la gestion des risques (en particulier les risques politiques, sociaux et environnementaux) ; et leur participation active aux organes de gouvernance. Cette gouvernance est essentielle au service d’un développement responsable et soucieux de l’intérêt des populations.

Troisièmement, si le débat tend à se concentrer sur les questions de corruption, le problème principal réside dans le manque de cadre réglementaire et dans l’inefficacité des administrations. Trop de gouvernements voient hélas le secteur privé comme pouvant être ponctionné facilement quand les finances publiques se détériorent.

Pour attirer les investissements privés, les États doivent établir un environnement réglementaire, juridique et fiscal stable

Pour attirer les investissements privés, les États doivent établir un environnement réglementaire, juridique et fiscal stable. Mais aussi investir dans le renforcement des capacités des administrations responsables.

Sans cela, nous risquons de voir une accentuation de la polarisation du continent, entre zones ouvertes aux investisseurs étrangers et un certain nombre de pays, notamment en Afrique centrale, qui ne sont tout simplement plus « investissables ». À l’heure où l’Afrique avance vers une zone de libre-échange continentale, de pareilles divisions ne seraient qu’un obstacle supplémentaire.

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