[Tribune] Pluies diluviennes en RDC : gouverner, c’est prévoir

Fin novembre, à Mont-Ngafula, une commune populaire située à l’ouest de Kinshasa, des dizaines de Kinois ont péri dans un éboulement de terrain provoqué par la pluie. Pourquoi les autorités n’ont-elles pas pu sauver ceux qui pouvaient encore l’être ? Qu’attendent les spécialistes pour anticiper ?

Des inondations à Kinshasa, en 2010. © Radio Okapi / Flickr

Des inondations à Kinshasa, en 2010. © Radio Okapi / Flickr

ProfilAuteur_TshitengeLubabu
  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 20 décembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Les pluies diluviennes qui tombent avec une violence inouïe sur Kinshasa, notre capitale ex-belle, sont-elles le prélude d’une fin du monde annoncée depuis plusieurs siècles par les différentes Églises monothéistes ? Ça y ressemble, même si je n’y crois pas. Fin novembre, à Mont-Ngafula, une commune populaire située à l’ouest de Kinshasa, des dizaines de Kinois ont pourtant péri dans un éboulement de terrain provoqué par la pluie. Les corps des victimes et leurs habitations ont été emportés dans le gouffre en un rien de temps par le déchaînement des éléments naturels.

Plusieurs jours après l’hécatombe, des disparus sont restés ensevelis, les autorités n’ayant pas, dit-on, de matériel adapté à ce genre de catastrophe pour poursuivre les recherches et sauver ceux qui pouvaient encore l’être. Comment pouvons-nous en être encore à ce stade cinquante-neuf ans après l’indépendance, nous qui n’avons cessé de clamer, haut et fort, être « un pays riche » ?

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Toute honte bue, pourquoi ne demandons-nous pas simplement à nos tontons belges de venir nous recoloniser et nous apprendre comment éviter les catastrophes naturelles et, surtout, comment les combattre quand elles nous tombent dessus à cause de notre penchant pour les approximations ? Revenez vite, oncle Tintin et camarade Milou, ceux qui vont mourir vous réclament !

Vous vous demandez sans doute comment et pourquoi ce drame a pu se produire. J’ai quelques éléments de réponse. La commune de Mont-Ngafula est l’exemple type de ce qu’il ne faut pas faire. La population qui y vit n’est pas, comme on peut le penser, composée uniquement de damnés de la terre. On y trouve, notamment, un ancien gouverneur de province qui fut le candidat malheureux du régime précédent à l’élection présidentielle de décembre 2018, ainsi qu’un ancien ministre et vice-Premier ministre.

Quartiers ravinés

D’autres nantis y ont élu domicile et construit des maisons qui attirent les regards tandis que certaines autres laissent perplexes quant au goût de leurs propriétaires. Les habitations des pauvres sont également là, bricolées à l’envi, faute de moyens pour les embellir. Tout ce monde est, apparemment, solidaire, surtout quand l’eau ne coule pas de certains robinets plusieurs jours durant. Chacun peut aller en prendre chez le voisin qui ne refoule personne. Mais Mont-Ngafula, c’est aussi des rues sablonneuses, des immondices à ciel ouvert, un manque effarant de collecteurs pour l’évacuation des eaux stagnantes ou de pluie. C’est également des sacs de sable entassés par la population dans les rues afin de freiner la fureur de l’eau quand il pleut et éviter ainsi des catastrophes permanentes. D’autres quartiers sérieusement ravinés comme Ngadi risquent de connaître, si on n’y prend garde, le même sort. Beaucoup vivent désormais dans la peur d’être les prochaines victimes rien qu’en regardant les ravins qui les cernent depuis longtemps.

Le problème de Mont-Ngafula reste son sol sans argile qui ne peut pas contenir les eaux de pluie facilitant ainsi sa dégradation et tous les malheurs inattendus. Il y a aussi un manque d’infrastructures adéquates pour draguer le sable dont l’accès demeure difficile. Mais où sont passés les spécialistes ? Qu’attendent-ils pour anticiper, dans ce pays où les professeurs-docteurs (sic), ingénieurs et tutti quanti sont légion ?

Qu’est-ce qui est en cause : l’incompétence dans la gestion de la chose publique ou la boulimie de ceux dont les ventres risquent d’exploser si on n’arrête pas de les gaver ?

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Pourquoi laisser à des chefs coutumiers dont le pouvoir, aujourd’hui, est purement symbolique, le soin de vendre des lotissements sans discernement alors que la loi Bakajika, en vigueur depuis des décennies, stipule que le sol et le sous-sol appartiennent à l’État ? Qu’est-ce qui est en cause : l’incompétence dans la gestion de la chose publique ou la boulimie de ceux dont les ventres, déjà volumineux, risquent d’exploser si on n’arrête pas de les gaver ?

Attention : les lotissements anarchiques risquent de tout dévorer, y compris, et c’est déjà le cas, des sites importants à valeur historique ou des sites à valeur environnementale pouvant capter suffisamment de carbone pour améliorer notre vital oxygène. Président Fatshi, vous pouvez changer la donne avant qu’il ne soit trop tard. Parole de Tshitshi alias Le Tshi selon les uns et les autres.

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