Israël-Palestine – Saeb Erekat : « Nous n’avons aucun partenaire pour des négociations »
« Accord du siècle », solution à deux États, position américaine… Le négociateur en chef de l’Autorité palestinienne fait le point sur l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix israélo-palestinien.
Rarement les relations entre Palestiniens et Américains ont été aussi mauvaises qu’elles le sont aujourd’hui. Les négociations sont au point mort – malgré la volonté de l’administration Trump d’avancer rapidement sur ce dossier, avec un plan surnommé « l’accord du siècle » par ses détracteurs. Pour Saeb Erekat, celui-ci consiste essentiellement en un alignement intégral de l’administration Trump sur les positions israéliennes. Entretien.
Jeune Afrique : Où en est ce fameux « accord du siècle » piloté par l’administration Trump et censé mettre un terme au conflit israélo-palestinien ?
Saeb Erekat : Les Américains sont revenus à la déclaration Balfour, avec tout ce que cela implique. Quand vous n’avez plus honte de rien, vous pouvez bien vous asseoir sur les lois, l’éthique, et les accords. Donc c’est l’accord du siècle dernier, ou du prochain si la loi de la jungle y règne, mais certainement pas de celui-ci !
L’Autorité palestinienne a-t-elle été consultée pour cet « accord du siècle » ?
Nous avons vu ce que les Américains ont fait : reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël, fermer le consulat américain à Jérusalem (qui était chargé du contact avec l’Autorité palestinienne), fermer le bureau de la représentation palestinienne à Washington, déclarer les colonies légales, supprimer l’expression de « territoires occupés », éliminant ainsi l’État de Palestine, cesser de financer l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), adopter la loi raciste israélienne stipulant que le territoire n’appartient qu’aux Juifs, de la Méditerranée au Jourdain.
Selon le président Trump, il y a des nations fortes, et d’autres qu’on peut acheter au bon prix. Nous ne prétendons pas être une superpuissance, nous sommes sous occupation et nous voyons comment les États-Unis manipulent le contexte régionale entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Mais nous avons décidé de nous en tenir fermement au droit international et au règlement des conflits de manière pacifique.
N’avez-vous pas le sentiment que la Palestine est plus isolée que jamais ?
J’entends souvent cela, mais pas plus tard qu’il y a quelques jours, une résolution à l’Assemblée générale de l’ONU visant à renouveler le mandat de l’UNRWA a été adoptée. Ce texte a obtenu l’écrasante majorité des voix même si les États-Unis et Israël ont voté contre. Sur ces questions, la position de l’Union africaine, l’UE, l’Amérique latine, les Caraïbes, la Chine, la Russie ou la France est la nôtre.
Alors, qui est réellement isolé ? Qui est sorti de la a zone de libre-échange nord-américaine (Alena, dont les termes ont été renégociées par les Etats-Unis, ndlr), de la COP 21 ou du traité de désarmement nucléaire ? De notre côté, nous nous tenons du côté des lois internationales, des accords signés, et nous nous tenons à la solution à deux États.
Espérez-vous un changement de l’administration américaine en 2021 pour relancer le processus de paix ?
Le 6 décembre dernier, il y a eu une résolution historique du Congrès : 226 membres, républicains et démocrates, ont reconnu à la Palestine le droit d’exister tout en déclarant les colonies illégales. C’est la plus forte réponse à la politique de Donald Trump et à ses tentatives de s’écarter du chemin du droit international.
La solution à deux États est-elle toujours viable ?
Absolument. Aujourd’hui, nous, Palestiniens, sommes majoritaires entre le Jourdain et la Méditerranée. Dès lors, ma question aux Israéliens est la suivante : « Qu’allez-vous faire de nous ? ». Vous ne voulez pas vivre avec les Palestiniens, vous ne voulez pas d’État palestinien, vous ne voulez pas nous donner les mêmes droits.
Soit vous faites un seul État avec les mêmes droits pour tous – ce qui est impossible pour les Israéliens – soit vous finissez avec un État et deux systèmes : c’est l’apartheid. Aujourd’hui, il y a des routes en Cisjordanie que je ne peux pas utiliser en tant que Palestinien. Pourquoi les Israéliens le peuvent ?
Les négociations sont-elles dans l’impasse ?
Les négociations ne sont pas une fin en soi. C’est un moyen que les humains utilisent pour régler leurs problèmes de manière civilisée. C’est un outil et nous ne sommes pas contre les négociations. Le problème vient de ceux qui pensent pouvoir imposer leurs options par la pression, le diktat et l’extorsion. Nous n’avons aucun partenaire pour des négociations. Mais nous Palestiniens sommes là, et nous allons y rester.
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