L’Afrique centrale mise sur la « promotion canopée »
Pour valoriser leur filière bois, des pays du bassin du Congo misent sur la transformation locale des grumes. Objectif : créer des emplois tout en protégeant l’environnement.
Depuis 2010, plus aucune bille de bois ne sort du Gabon. Ou presque. La transition a été douloureuse pour le pays, qui, en raison de la diminution de sa production, a vu fondre ses recettes fiscales à l’export.
Mais, aujourd’hui, le président Ali Bongo Ondimba a remporté son pari en valorisant sur place la seconde ressource nationale – après le pétrole. Au point de donner des idées à ses voisins… Mais pas au Cameroun, qui s’est ravisé sous la pression de son lobby forestier après avoir pourtant été le premier à interdire officiellement l’exportation du bois non transformé.
Code forestier
Si le Congo attend toujours la réforme de son code forestier, annoncée d’ici à la fin de l’année et censée imposer, à terme, une transformation de la totalité des grumes localement, les opérateurs sont, eux, déjà passés à l’action.
« Depuis quatre ans, nous transformons 85 % de notre production sur place, contre 60 % auparavant », précise Rufin Ossebi, responsable d’exploitation au sein de l’Industrie forestière d’Ouesso (IFO), l’un des leaders dans le pays avec près de 200 000 m³ de bois exportés chaque année.
Comme au Gabon, les impératifs de transformation imposés par l’État congolais devraient réaménager une filière déjà passablement ébranlée par les retombées de la crise financière de 2008. « Seules les grosses entreprises peuvent faire les investissements nécessaires », observe un membre de l’Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT), à Paris.
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Scieries
Ainsi, IFO a inauguré, en 2012, la première unité de lamellé-collé [agrégation de résidus de bois] dans la sous-région. Après avoir dû licencier fin 2009, la Congolaise industrielle des bois (CIB), filiale locale du singapourien Olam, a investi dans ses scieries tout en réembauchant, pour suivre l’évolution de la demande mondiale.
« C’est précisément le but de la transformation : créer des emplois tout en valorisant la ressource », rappelle François Makoloh Pembé, expert régional à la Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac), qui insiste sur le rôle central que doit jouer l’État lors de la période de transition. « À lui de créer un environnement favorable aux investissements », reprend le spécialiste, qui, depuis Libreville, se souvient des difficultés qu’avait rencontrées la filière gabonaise.
Le secteur privé, à commencer par les petits opérateurs de Dolisie, dans le Niari, attend donc un soutien effectif des pouvoirs publics, sous forme d’un fonds d’aide à l’industrialisation ou d’exonérations fiscales. Il aimerait également voir la commission de la Cemac intervenir pour réduire les barrières douanières au sein de la communauté, alors que les forestiers congolais doivent le plus souvent expédier leurs productions via le port camerounais de Douala.
La chasse aux braconniers
Sanglés dans leur uniforme et AK47 en bandoulière, les écogardes de la Brigade de lutte antibraconnage (Blab) ont fière allure. Créée en 2011, cette unité camerounaise, congolaise et centrafricaine patrouille pour sécuriser les 7 500 km2 de la zone transfrontalière de la Sangha, l’une des aires de préservation de la faune et de la flore les plus vastes d’Afrique centrale.
« Cette coopération fonctionne très bien depuis une quinzaine d’années. Elle est devenue l’exemple à suivre », estime Bas Huijbregts, responsable du WWF en Afrique centrale. Faute de politique élaborée et mise en place à l’échelle sous-régionale, les États coopèrent pour protéger leurs parcs nationaux.
C’est le cas, depuis 2005, du complexe trinational Dja-Odzala-Minkebe (Tridom), à cheval sur le Congo, le Cameroun et le Gabon, suivi, en 2009, de la zone marine Conkouati-Mayumba dans les eaux territoriales congolaises et gabonaises, puis, en 2011, de l’accord de gestion conjointe de la réserve de Sena-Oura au Tchad et du parc national de Bouba Ndjida au Cameroun. Pourtant, au début de 2012, des centaines d’éléphants ont été massacrés par des braconniers soudanais, à l’intérieur de l’aire protégée camerounaise.
Olivier Caslin
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