Pierre Moussa : « Nous disposons aujourd’hui d’une architecture cohérente »
Pour le patron de la Commission de la Cemac, l’intégration progresse. Mais, en matière de transport aérien ou de libre circulation des personnes, beaucoup reste à faire.
Président de la Commission de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale depuis 2012, cet économiste congolais de 73 ans veut consolider et dynamiser l’intégration communautaire.
Propos recueillis par Olivier Caslin
Jeune afrique : La Cemac fête ses vingt ans. Quelle est, selon vous, sa plus grande réussite ?
PIERRE MOUSSA : Sans hésiter, je citerais l’appropriation de l’idée communautaire par les peuples eux-mêmes. La Cemac se fédère autour d’événements culturels et sportifs, qui renforcent un sentiment d’appartenance partagé aujourd’hui par les populations.
Qu’en est-il en termes institutionnels ?
Nous disposons d’une architecture cohérente, avec un ensemble d’organes et d’agences qui remplissent très bien leurs missions, dans le secteur bancaire et financier, bien sûr, mais également dans les domaines de l’agriculture, de la santé et de la formation. L’intégration monétaire est un fait accompli.
L’intensification des activités de Boko Haram? Un défi pour notre communauté.
D’autres étapes, fondamentales dans un processus d’intégration, ont été franchies : zone de libre-échange, union douanière… Nous entamons un nouveau cycle dans l’édification d’un marché commun. Tout n’est pas simple, mais les jalons sont posés.
Plusieurs dossiers semblent néanmoins au point mort…
L’Union douanière connaît des difficultés, mais un programme est en cours pour pallier ces insuffisances. Le passeport biométrique Cemac est déjà délivré au Cameroun et au Congo. La République centrafricaine va bientôt leur emboîter le pas.
La création d’Air Cemac pose, quant à elle, un problème de viabilité économique, alors que l’offre aérienne dans la sous-région est de plus en plus dense. Si la Communauté parvient à mettre sur pied sa propre compagnie, ce sera pour elle un atout supplémentaire.
Où en sont les projets relatifs aux infrastructures ?
Conformément au Programme économique régional (PER), un certain nombre de projets sont en cours d’exécution, dont les huit axes routiers prioritaires. L’interconnexion des réseaux numériques est par ailleurs prévue, et nous avons lancé plusieurs études similaires pour les réseaux électriques et les voies ferrées.
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Les chantiers en panne de l’Afrique centrale
La sécurité s’impose comme un thème majeur dans la sous-région depuis quelques mois. Une politique commune est-elle envisageable ?
La crise centrafricaine pèse lourdement sur l’économie, les acquis communautaires et la cohésion même de la sous-région. L’intensification des activités de Boko Haram, au Nigeria, et sa contagion aux pays voisins constituent également un défi pour notre communauté. La Commission travaille sur ce sujet en vue de présenter rapidement un plan d’action aux chefs d’État concernés.
Personne n’est à l’abri du terrorisme international aujourd’hui, et la sécurité est devenue, pour tous, une priorité existentielle.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que la Cemac avance à reculons ?
Ils se trompent ! Elle n’avance peut-être pas toujours au rythme souhaité, mais les bases existent, et les structures sont opérationnelles. Bien sûr, le caractère inachevé de certains projets phares, tels que celui de la libre circulation des personnes ou celui de la situation en Centrafrique, peut masquer des progrès qui demeurent, pourtant, bien réels.
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