Après Panitchpakdi qui ?
Trois candidats sont au coude à coude dans la course au poste de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce. Présentation.
Qui occupera le fauteuil du Thaïlandais Supachai Panitchpakdi, le 1er septembre prochain ? Difficile de le dire, alors que la campagne pour la succession du directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’est officiellement ouverte que depuis le 26 janvier. À un peu plus de trois mois de la décision finale – le processus de désignation s’achèvera par une décision du Conseil général de l’OMC au plus tard le 31 mai 2005 -, les principaux candidats multiplient les voyages et les rencontres auprès des représentants des pays membres de l’organisation. Objectif : conforter leurs appuis, gagner de nouveaux soutiens, semer la division chez les adversaires…
Sur les quatre prétendants déclarés, un seul semble d’ores et déjà hors course : on voit mal en effet comment le Brésilien Luiz Felipe de Seixas Correa pourrait l’emporter alors qu’il ne peut même pas compter sur les voix des pays latino-américains, très largement acquises à son concurrent uruguayen, Perez del Castillo. Les Sud-Américains se rappellent que ce dernier avait été un excellent secrétaire permanent du Système économique latino-américain (Sela) de 1987 à 1991 et joué un rôle clé dans les négociations de remboursement de dette. Né le 2 juin 1944 à Montevideo, marié et père de deux garçons, il dispose d’un curriculum vitae très solide. Formé en Australie à l’économie et aux sciences agricoles, Perez del Castillo a occupé différents postes de conseiller ministériel et celui de ministre uruguayen des Relations extérieures. Il est, depuis mars 2004, conseiller spécial pour les négociations commerciales internationales du président de la République. De mars 1998 à février 2004, il était ambassadeur permanent de son pays auprès des Nations unies, de l’OMC et des autres organisations internationales siégeant à Genève, en Suisse. Pendant cette période, il a présidé la plupart des principaux organes de l’OMC, notamment le Conseil général, l’Organe de règlement des différends et le Comité des accords commerciaux régionaux. Autre atout et non des moindres, il parle couramment les trois langues officielles de l’institution (anglais, français et espagnol).
« Perez del Castillo possède un bagage intéressant et de bons relais au sein de l’organisation, ce qui en fait un concurrent très sérieux », estime-t-on au QG de campagne parisien du candidat français Pascal Lamy. Ancien commissaire européen au Commerce, ce dernier connaît parfaitement les rouages des négociations internationales. Et justifie, lui aussi, d’un itinéraire brillant. Ancien élève d’HEC (Hautes Études commerciales), de Sciences-Po et de l’ENA (École nationale d’administration) – ce qui se fait de mieux en France -, Pascal Lamy, 58 ans, a commencé sa carrière dans la fonction publique, à l’inspection générale des finances et au Trésor. Avant de devenir le sherpa de Jacques Delors, dont il sera le conseiller au ministère de l’Économie et des Finances, puis le directeur de cabinet à la présidence de la Commission européenne. En novembre 1994, il rejoint l’équipe du Crédit Lyonnais chargée du redressement de la banque avant d’en devenir le numéro deux. En juillet 1999, il est nommé commissaire européen, poste qu’il conservera jusqu’à la fin 2004. Ses collègues et la presse l’ont affublé de divers surnoms tout au long de sa carrière : l’Exocet, « monsieur Commerce », l’homme aux mollets d’acier, le parachutiste. Des qualificatifs qui témoignent de sa ténacité, de son sens du devoir et des responsabilités, tout en faisant référence à son physique d’ascète. Cette adepte de course à pied sillonne actuellement le monde pour gagner des soutiens. Il peut déjà compter sur celui de l’Union européenne et des États-Unis. Et chasse sur les terres du Mauricien Jaya Krishna Cuttaree, qui a reçu officiellement l’appui des États ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) et de l’Union africaine (UA), dont 56 pays sont membres de l’OMC… Bénéficiant d’« entrées » dans les médias occidentaux, Lamy tente notamment d’imposer l’idée que le Mauricien pourrait se retirer de la course. « C’est hors de question alors que nous avons déjà rallié presque la moitié des voix », souligne-t-on au ministère mauricien des Affaires étrangères, siège de campagne de Jaya Krishna Cuttaree. Avocat de formation, l’homme est un ténor politique de l’île. Il a d’ailleurs multiplié les portefeuilles ministériels : Travail et Relations industrielles ; Justice ; Logement, Terres, Planning urbain et rural ; Industrie, Technologie industrielle, Recherche scientifique et Artisanat. Il est ministre des Affaires étrangères, du Commerce international et de la Coopération régionale depuis décembre 2003. Ardent défenseur des intérêts africains et des petits États insulaires, il est un de leurs plus fidèles porte-parole. Fin connaisseur des négociations commerciales au sein de l’OMC, comme d’ailleurs ses deux autres concurrents, il milite en faveur d’un système de commerce multilatéral qui tienne compte des spécificités et des intérêts des nations en voie de développement. Cuttaree a joué un rôle clé dans l’établissement, lors de la réunion du Conseil des ministres de l’OMC de Cancún en septembre 2003, du G90 qui réunit les États de l’UA, des PMA (Pays les moins avancés) et des ACP. Il cherche actuellement à obtenir le soutien des États de la Ligue arabe afin de faire pencher la balance en sa faveur.
Selon les procédures de l’OMC, la présidente du Conseil général, la Kényane Amina Mohamed, a débuté une phase de consultations de tous les pays membres pour évaluer leurs préférences. L’objectif est d’aboutir à un candidat unique, reconnu par la majorité, qui sera désigné en mai prochain. Le vote n’est envisagé que comme une solution de dernier recours. Si, sur le papier, Jaya Krishna Cuttaree semble posséder la meilleure assise, il pourrait cependant faire les frais des sempiternelles dissensions au sein du camp africain. Ses adversaires comptent bien, avec l’appui des diplomates acquis à leur cause, en tirer avantage.
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